Avec l'Idiot, Kurosawa s'attaque à l'une des plus grosses œuvres littéraires de Dostoeivski, l'idiot, un homme malade, emprunt à des accès, niais parfois, mais bon et toujours miséricordieux.
Évidemment l'adaptation est contraint essentiellement par le temps... mais en 3h, il sauve les meubles et réalise quelque chose de pas mal du tout.
Le problème est que vu comme ça, en voyant le film, on peut avoir l'impression d'assister à un banal film de rivalité amoureuse sans grand intérêt et c'est le principal défaut du film, là où chez Dostoievski, ce contexte sert surtout de cadre, de prétexte pour ensuite développer la psychologie des personnages, leur mode de pensée tinté de nombreux moments d'envolées littéraires ahurissante qui ferait trembler même le plus obstiné des athées, et sans oublier les dialogues de haute volée entre les protagonistes ou sa semaille d'idée nationaliste... mais tout ceci est absent ce qui ampute grandement l'intérêt du film.
On a l'image, et Kurosawa essaye tant bien que mal d'exprimer justement la psychologie par les images ce qui est logique puisqu'on parle de cinéma et que c'est ce qu'il fait de mieux, car ce n'est pas avec les dialogues qui ici représentent un grain de sable par rapport au livre qu'on va apprendre grand chose.
Ainsi y'a cette scène vers le milieu du film où l'idiot marche dans la ville, on le suit quelques minutes dans divers lieu, c'est à ce moment là qu'il est un peu perdu dans ses pensées, pas loin de la crise, en proie à des hallucinations, ou bien le moment où l'idiot et Mifune traversent le corridor pour se rendre chez lui, tous le malheur en train de se passer est bien ressenti, là j'ai trouvé que c'était assez bien retranscrit à l'écran ...
Les acteurs et personnages eux même, comme d'habitude à cette époque, c'est assez surjoué mais bon, on arrive à comprendre surtout ici où il faut faire retranscrire le maximum d'émotion par les visages (et on est servit tout le long du film, beaucoup de gros plan là dessus), par contre l'idiot qui passe tout le film les deux mains posé le haut de sa poitrine j'ai trouvé ça un peu lourd, je pense qu'on a bien compris ce qu'il entendait par là au bout de 3h... Je l'ai trouvé par ailleurs bien trop calme, en principe on aurait du le voir en proie à des excès d'émotivité, là non.
Il est dommage que le côté dévergondé de Taiko Nasu n'ait pas été davantage développé car elle est supposé être plus détestable que ça,
lors de la scène de l'anniversaire, le prince (l'idiot) demande en mariage Nastasie (Taiko) qui accepte, et qui pendant toute la soirée va ainsi le faire croire au prince avant de lui poser un énorme lapin, et c'est comme ça tout le temps (et y'a bien pire !), au point que j'ai trouvé que c'était une grosse salope, là elle passe moins pour l'être .
Et quand l'image n'est pas suffisante, il y a la musique, dont j'ai trouvé la bande-son bonne pour ce cadre et adapté à chacune des situations, en tout cas j'ai trouvé que Kurosawa a bien voulu insister sur l'esprit prophétique de l'idiot, encore plus que Dostoeivski ...
Puis 2h46, j'avoue qu'à la fin du film j'ai été assez étonné que ça ait durer autant, preuve que ce n'était pas si emmerdant que ça. (alors que les 1h20 de la légende du grand judo m'ont paru une éternité).
On peut pas dire que l'adaptation soit très réussit car je pense qu'il est totalement impossible d'adapter un tel pavé littéraire mais au vu des conditions et des contraintes, en revanche il respecte totalement l’œuvre, évidemment il transpose un décors japonais mais il ne digresse jamais, au final on se dit que c'était difficile de faire mieux.