Dès les premières minutes, il est impossible de ne pas penser au film de Claire Simon, "Le bois dont les rêves sont faits". Même idée d'un territoire clos sur lequel on focalise (Bois de Vincennes pour Denis, ici L'île de loisirs de Cergy Pontoise), même volonté intrusive de filmer au plus près les personnes qui le fréquente, même curiosité, tendresse et intérêt pour leurs histoires et au final même patchwork sociétal reflet d'un quotidien sans frontière sociale.
Mais s'il y a similitude de forme, le fond se distingue entre ces deux documentaires. Claire Denis à la démarche plus ethnographique, pointe avec une infime tendresse les "habitués" du parc, entre le personnel (gardiens, soignants…) et ceux qui y trouvent refuge (ermite, sdf, prostituées, lieu de drague et de sex gay…), Elle sanctuarise. Guillaume Brac lui interprète cette base de loisirs avant tout comme un lieu de joie, de souvenirs (moments d'enfance sépia ou bien ancrés dans le présent), de rencontres éphémères. Il filme l'instant, ou plutôt des instants de vie insouciants, voire fanfaronnant comme tous ces lieux où des centaines de personnes d'horizons multiples se croisent, sans se soucier de qui est l'autre et qui entre amis, en famille et même seul partagent les
plaisirs de ce lieu bouillonnant provoquant d'autres souvenirs, d'autres impressions. C'est pourquoi le contraste est si saisissant quand s'annonce le crépuscule, ou qu'une pluie diluvienne désertifie le lieu.
Comme dans le film de Claire Simon on adore ces petites pépites où le réalisateur s'attarde sur l'une ou l'autre des personnes venues se détendre. Des ados dragueurs wesh qui se prennent vestes sur vestes, au mystérieux homme aux cygnes, en passant par l'athlétique loueur de pédalos ou encore Joelson et son petit frère à la toute fin, ce sont autant de personnes attachantes que d'ordinaire on ne verrait pas, une population cosmopolite en quête de détente, d'émotions simples.
L'oeil de Guillaume Brac n'est jamais dans le négatif à l'image de "Allons enfants" de Stéphane Demoustier efficacement anxiogène ou certains dialogues du film de Claire Simon. Bien sur il y a les éternels resquilleurs aux arguments toujours aussi fallacieux, des moments chauds ou plus sombres, mais rien n'y fait, tous semblent apaisés, sereins, conscients du petit bonheur fugace qu'ils vivent.
C'est cette même velléité des êtres que l'on retrouvait dans certains films de Rohmer (dont le réalisateur s'inspire). Appréhender le futur du moment présent riche d'espoir ou de désillusion. Reinette, Mirabelle, Delphine... ne sont pas loin !
Emmanuelle Chaulet, qui jouait dans "L'ami de mon amie" tourné à Cergy-Pontoise se livrait il y a quelques temps sur le film en disant :
« Je ne connaissais pas Cergy, mais j'avais trouvé les lieux très agréables. Il y avait une ambiance de nouveauté, de modernité. » Des éléments dont elle a beaucoup parlé avec le réalisateur, à l'époque. « Il voulait montrer la possibilité d'allier la ville et la campagne, souffle-t-elle. Le décor fait partie du film. »
Ambiance de modernité autour d'un décor unique, voilà qui résumerait assez bien ce documentaire des plus attachants.