Au bord de la faillite avec sa société de production, Kaneto Shindo se dit: autant risquer le tout pour le tout et tourner un film anti-commerciale. "L'île nue" est donc un film qui déroge à toutes les règles habituelles du film grand public. Pour l'apprécier, le spectateur devra lâcher prise et accepter de se laisser bercer par la lenteur du montage avec des plans très long, répétitifs, dans un film sans aucun dialogue. Le réalisateur a voulu faire un poème cinématographique avec une allégorie de la vie à travers le travail au champs. La première demi-heure est exclusivement centré sur la pénibilité du travail de ces deux paysans qui répètent inlassablement leurs gestes en portant péniblement de l'eau à leurs plantes, qu'ils arrosent délicatement une par une. Un geste répétitif et obsessionnel porté par le sublime thème musicale de Hikaru Hayashi tout aussi obsédant. Un thème musicale qui jalonne tout le film et qui en est presque un personnage. Ce principe de la musique obsédante, Wong Kar Waï le reprendra en 2000 dans son film "In the mood for love" avec la même efficacité. Shindo va très doucement élargir son champ de vision et de caméra, pour filmer la vie tout simplement (les jeux des enfants, une partie de pêche, une sortie en ville) nous donnant, l'espace d'un moment, l'impression par son mutisme d'être dans "Les vacances de Mr Hulot", avant de revenir à la vie, et aux champs. Le film n'oubliera pas de mettre un peu de dramaturgie à sa fin et vous tirera les larmes des yeux aussi efficacement qu'une scène mélo filmé par Spielberg.