Comme ses protagonistes, L’Île Nue joue la carte de l'autarcie et du dépouillement pour exister. Il y réussit brillamment dans la mesure où il se passe de nombreux artifices courants, en particulier les dialogues, réduits au minimum (l'accompagnement musical est quantitativement 'normal' et tient en une série d'échos). Il n'y aura pas de conversation et même pas de phrase complète, pourtant le résultat est expressif et potentiellement communicatif. Il demande simplement un abandon et offre une immersion forte, sans tâches ni fantaisies ; pour le spectateur, la proposition peut sembler aride, elle s'avère peu coûteuse et exigeante, nullement plombante, contrairement à celles des très acclamés Ozu (Printemps précoce, Voyage à Tokyo) ou Mizoguchi (Ugetsu monogatari).


La mise en scène est concentrée mais à distance, encadre avec poésie un contenu factuel et terrien (routines et virées en ville – la civilisation est à quelques centaines de mètres de cette minuscule île). Avec ce couple de cultivateurs, le film est toujours dans l'activité, taiseuse et appliquée, franche ; la fatalité pèse, l'incorruptibilité lui répond. Cette vie ressemble à une série d'actes de foi pratiques et déterminés, sans passer par les douleurs mentales ni les dérives animales ou pire encore ludiques, en réprimant les moindres signes de faiblesse ou déviations – qui seraient des caprices quelqu'en soient les justifications. Le circuit est exigeant en terme d'efforts pour eux, avec un minimum de risques et d'insécurité a-priori en contrepartie. Il faudra le dernier tiers pour que ça tangue niveau dramatisation, pour une fin brutale et violente.


Ce flot calme et continu laisse positivement froid, le sens de l'harmonie irradiant de chaque image (ou quelquefois sa crise, toujours laconique) fait le charme du film. Son aspect documentaire est ambigu ; c'est un condensé de faits, de vues et de rituels, sans pénétration manifeste, la valeur ajoutée est dans la beauté. Le tournage méticuleux de Kaneto Shindō (Onibaba, Les enfants d'Hiroshima) permet un témoignage au fond 'aveugle', en tout cas parcellaire, des réalités du Japon d'époque (1960), de la vie paysanne et de l'existence dans cette zone du sud du Japon. Le haut niveau technique, le soin extrême apporté aux compositions et à la direction, l'humilité face au sujet (en plus d'être le sujet), contrastent radicalement avec la déchetterie du 'cinéma-vérité' ou de tous les produits à prétention réaliste et à couverture sociale qui se répandront par la suite.


https://zogarok.wordpress.com/2017/03/21/lile-nue/

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le 14 mars 2017

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