Tati faisait des films gais, joyeux même, où pointaient parfois des émotions plus nuancées, de la nostalgie, plus rarement un peu de tristesse, ou de pessimisme, mais avec toujours beaucoup d'ironie... et surtout des gags...
Pas un plan sans qu'il ne se passe plusieurs choses, pas un bruit posé au hasard, pas une caricature gratuite, le personnage le plus anonyme avait de la chair, de la personnalité.
Sylvain Chomet a repris un scénario de Tati qu'il a adapté. Avec beaucoup de talent dans le trait, dans la mise en lumière, dans les couleurs. On sent l'admiration, le fan. On sent le travail. Il y a des moments de pur cinéma : on se délecte du cadre fixe qui laisse l'action s'ébrouer dans le cadre et jouer avec le cadre, à hauteur d'oeil sans effet appuyé de point de vue, du silence qui met le son en valeur, de la lumière matérialisée par les ombres, du sens qui naît du raccord plutôt que d'un dialogue ou d'un intertitre.
Mais...
Pourquoi ce manque de dynamisme le plus souvent, cette mise en scène plan-plan ? pourquoi cette rengaine plutôt qu'un véritable thème et ses variations (Chomet avait pourtant particulièrement réussi cet aspect dans les
Triplettes) ? pourquoi cet insert "j'te'pouss'du'coud'regard' " de Mon Oncle, bien moins subtil que d'autres références plus discrètes et par là plus efficaces ? pourquoi ces effets 3D gratuits qui ont pourtant dû coûter cher à des moments si peu pertinents ? pourquoi ces dernières 20 minutes qui en paraissent 60 ?
Ce n'est manifestement pas un manque de moyens, mais ça n'est pas une épure non plus.
Le film est un peu à l'image du générique de fin : un hommage qui tourne à l'imitation discutable, un film sosie fan de son modèle sans lui arriver à la cheville.
Non que le film soit prétentieux. Il est peut-être même trop modeste, au point de ne pas s'épanouir. En se référant à ce point à Tati, à partir d'un scénario de Tati, Chomet ne trouve jamais vraiment la distance qui ferait que son film existe à part Tati. Ce serait pourtant le meilleur hommage à lui rendre. S'il y a une caractéristique de l'humour de Tati, c'est ce qu'il ajoute de distance, et d'espace, à la mécanique propre aux films de sketches et de gags.
Ce n'est donc ni tout à fait un film de Chomet, ni du tout un film de Tati. Et hormis le graphisme, que j'aime beaucoup, et la qualités que j'ai décrit plus haut, j'ai été un peu décu de retrouver dans L'Illusioniste le même défaut que dans Les Triplettes de Belleville : une fin/un rythme gobal apparemment pas maîtrisés. La déception est à la hauteur des attentes que les deux auteurs impliqués et que le tout début du film laissaient espérer.