L'Illusionniste par cloneweb
Il y a plus de 50 ans, Jacques Tati écrivit une histoire qu'il ne réalisa pas. Ce « Film Tati n°4″ comme il a longtemps été appelé a dormi sous forme de scénario incomplet dans les archives du CNC. Sophie Tatischeff, descendante du réalisateur des Vacances de Monsieur Hulot aujourd'hui décédée, confia à Sylvain Chomet le soin d'en réaliser le film après avoir vu son travail sur les Triplettes de Belleville.
Elle ne s'est pas trompée...
Sylvain Chomet a travaillé pendant quatre années sur son film, et a étudié l'art Jacques Tati sous tous les angles possibles de manière à s'imprégner du réalisateur. D'abord, il choisit ses plans à la manière de Tati cadrant ses scènes en hauteur et en très légère plongée. Mais, surtout, il prit un risque colossal pour 2010 : sortir un film d'animation muet, ou presque (le vrai cinéma muet s'est terminé en 1926).
Dans ses films, pourtant sonores puisqu'on entend les bruitages et la musique, Jacques Tati ne fait pas parler ses personnages. Chomet reprend ce principe avec brio, ne leur donnant que le moins de dialogues possibles, utilisant parfois des sortes de borborygmes.
Par rapport aux Triplettes de Belleville, le trait de Chomet est ici plus réaliste. Certains personnages, dont l'Illusioniste lui-même d'ailleurs, rappellent un peu le chara design des Aristochats. De Paris à Edimbourg (où l'histoire est transposée au lieu de Prague, comme prévu dans le scénario d'origine), les décors et reconstituions des villes sont superbes. Chaque plan est animé en détail et la lumière magnifiquement travaillée. A l'heure de l'animation en 3D à outrance, c'est agréable de voir un film d'animation majoritairement en 2D (en réalité, les voitures et le train sont en 3D) aussi réussi.
Mais parlons un peu de cette histoire douce-amère écrite par Tati il y a si longtemps...
L'Illusioniste raconte une fin... La fin d'une époque, la fin d'une vie aussi et le commencement d'une autre. A une époque où le public préfère voir sur scène des garçons aux cheveux longs et aux guitares électriques, l'Illusioniste est obligé de quitter Paris pour trouver du boulot. Il part donc pour l'Ecosse. Il y rencontrera une gamine qui pourrait être sa fille et naitra alors une jolie relation de père-fille d'adoption. Ne voulant pas la quitter mais ne pouvant l'assumer, l'Illusioniste devra dans Edimbourg se débrouiller pour financer leur petite vie à deux. Mais les gens changent, le temps passe et au milieu d'une jolie galerie de personnages comme les aiment Sylvain Chomet dont un clown triste, vraiment triste, l'Illusioniste vieillit et la jeune fille grandit...
Tout en douceur, Sylvain Chomet offre un très beau film d'animation, un peu triste, mais qui parle finalement très bien de la vie elle-même. Et si on pouvait encore en douter, il prouve une nouvelle fois que l'animation n'est pas un genre, mais bien un moyen de raconter une belle histoire.