Avec Possession, L’Important c’est d’aimer est la plus célèbre réalisation du cinéaste polonais Andrzej Zulawski. Tiré du roman La Nuit Américaine de Christopher Frank (sans rapport avec le film de François Truffaut), ce long-métrage a connu un grand succès public et critique. La postérité en retient les performances de Romy Schneider et Jacques Dutronc, mêlés par un amour impossible, qu’aucun d’eux ne sait assumer – avec Fabio Testi pour compléter le triangle de frustrés obstinés.
D’un parfait romantisme asexué et masochiste, leur relation se joue autour du monde du spectacle où ils se découvrent, elle en actrice ratée à la trentaine mélancolique, les deux autres en amants inaccomplis. Cet univers du show-business est peint sous un angle névrosé, fougueux et pervers (Klaus Kinski est présent) ; Romy et Dutronc (et le photographe embarqué) y trouvent une prison à leur mesure, où ils peuvent laisser libre court aux contraintes et aux privations dont ils ont besoin, tout en s’exposant à la violence du milieu et en rendant leur passion d’autant plus perturbante qu’ils la muselle.
C’est un film curieux, hystérique, imprévisible et dépaysant ; et en même temps, un produit relativement classique [lisible]. Le film français de Zulawski (las des censures en Pologne, il s’installe provisoirement dans l’Hexagone) ressemble rétrospectivement à une version parodique de son œuvre, de sa propension à exalter le bizarre et la crise psychologique. Le tout, sans trop dépareiller dans le sillage des héritiers de la Nouvelle Vague et en cultivant des provocations (représentation d’une partouze) parfaitement vaines vues aujourd’hui, le temps et les mœurs ayant entamé leur pouvoir corrosif (laissant davantage de place à un humour mélancolique et peut-être sadique).
Zulawski l’a appelé son film « bourgeois » et il y montre des individus sans racines mais soucieux de vivre dans le confort, répétant qu’ils n’ont rien ou si peu, tout en déambulant dans des lieux à la hauteur de leurs caprices, en compensation de leur détresse et leur incapacité à se construire sans se mutiler. C’est le mélodrame de la rétention de l’authenticité, quand la confusion et les envies impérieuses se répandent sans entraves. Là où les comportements se libèrent sous le joug de riches producteurs ou metteurs en scènes, où les acteurs mettent en scène leur illumination, tous semblent s’acharner à nier le drame permanent qu’ils entretiennent par ailleurs. Joli film élégiaque, laissant une emprunte, un goût amer, tout en semblant lui-même pas totalement accouché, comme si ses auteurs aussi n’étaient pas, dans leur conscience, au clair avec ce qu’ils trament ; pas prêt à tout exposer mais s’y prêtant néanmoins avec dévotion, l’esprit vacillant, le cœur inhibé et en charpie.
https://zogarok.wordpress.com/2013/08/29/limportant-cest-daimer/