En 1973 sort Impossible Object, rebaptisé plus tard Story of a Love Story. Un titre programmatique pour ce qui s'apparente à une tentative d'exploration de l'inconstance amoureuse à travers le prisme du regard masculin. Alan Bates, écrivain partagé entre son foyer bourgeois idyllique et une liaison avec une femme mariée, jouée par Dominique Sanda, incarne cette figure de l'homme en suspension, jouissant du privilège du non-choix. Un égoïsme fondé sur le confort du doute, et un privilège qui, s'il n'est pas interrogé, s'exerce avec une fluidité désarmante.
Frankenheimer s'inscrit ici dans un projet typiquement seventies : le film sur le couple, sujet éminemment philosophique que ses exégètes pelliculaires – Antonioni, Bergman, et autres escrocs de l’introspection conjugale – ont érigé en terrain d’expérimentation formelle. Mais Frankenheimer, loin d’être un analyste méticuleux du désamour, se rapproche plutôt d’un Lelouch en moins lyrique, en dépit de la soupe mélodique de Michel Legrand. Il filme un récit mental, une errance entre réalité et fantasme, où les séquences oniriques (dont une scène avec la troublante Massari) rappellent parfois Fellini, sans toutefois en retrouver l’ampleur baroque.
Mais l’intérêt du film réside surtout dans son jeu de regards. Celui de Bates, d’abord, qui oscille entre désir et désengagement, entre fascination et lassitude. Puis, soudain, l’optique change : Dominique Sanda prend le relais, dans un glissement où la voix off envahit l’image, comme pour signifier que la parole, le commentaire, appartiendrait davantage aux femmes. Une pirouette discutable, mais qui interroge le dispositif même du film. Comme toujours, Sanda demeure une énigme : froide et impénétrable comme maitre Bresson lui a appris. Face à elle, un casting qui mérite d’être réévalué : Paul Crauchet en apparition pince-sans-rire, Michel Auclair impérial en mari bourgeois compréhensif, et un Alan Bates qui se démerde honorablement avec la langue française.
Un film mental sur l'impossibilité du mâle sapiens en proie à ses contradictions, promis zéro accident de bagnole, et pourtant Frankenheimer est plus doué que Sautet dans le genre course de voiture à l'instar de Grand Prix, même si j'apprécie Les Choses de la vie. Un objet à redécouvrir, ne serait-ce que pour la beauté trouble de son inachèvement.