Ce film très commun de prime abord pourrait sombrer dans les méandres du téléfilm français et rural s'il n'avait pas eu le documentariste Nils Tavernier, un jeu intéressant et une identité colorométrique forte inspirée de la couleur des yeux de Gamblin et des tableaux de Fantin-Latour. Il coule ce film alors que j'aurais pu décrocher mille fois.


Je n'oublie pas que l'une des qualités de ce film, c'est de proposer un choix documentaire très grand public. Je suis très heureux d'avoir pu partager ce biopic romancé avec les gens qui m'entourent plutôt que de m'engoncer dans mon snobisme qui connaissait déjà le facteur Cheval. La revisite de ce personnage permet de voir quelque chose de libre et à la portée de tous. Et parce qu'il est taiseux, c'était pas évident de l'identifier. On est pas dans un Dumont quoi. Je suis très heureux que ce film soit ouvert et qu'il montre ce qu'était le Facteur Cheval au plus grand nombre.


Et puis ce serait oublier que le facteur Cheval représente pour moi un modèle : l'ouvrier artiste (et non l'inverse). Tous les artistes qui n'ont pas cessé de travailler au cours de leur vie m'apparaissent comme digne d'intérêt. J'en aime l'ordre des choses et la discrétion. Tout artiste sait tirer des influences pour se les approprier et nulle n'est création sans passé et sans influence. Nombreux sont les artistes à reprendre à leur compte la formule d'un retour à la simplicité, figurant sous la forme d'un trait au fusain, créateur l'instinct, le premier jet, le mouvement brut. Les frontières que l'on peut se dresser en termes de définition de cette oeuvre n'ont pas cours dans ce monde et si mon lecteur a le malheur d'en mettre, ce sera pris pour une condescendance en vue de protéger une chasse-gardée : une initiation qui, en vérité, ne le servira plus une fois que la lassitude aura pris son pouls.


Personnellement, je vois Cheval et son oeuvre comme un sens ouvrier qui sort de sa condition en dressant une oeuvre totale, magique et métaphysique. Il s'agit là de la création est la plus pure qui puisse être puisqu'elle vient de nulle part, elle vient d'un étonnement du monde. Elle mérite toute l'obstination de l'humanité aliénée. Reste que bien peu, parmi les producteurs de richesses artistes, ont une postérité et ce film montre bien l'affranchissement de la création qui appartient à tous, pourvu qu'on se dise très tôt : après moi, une oeuvre. Ton palais. Ton idée. Ton idéal.


Ici un tableau de Fantin Latour : http://www.artctualite.com/wp-content/uploads/2016/09/artctualite-fantin1.jpg

Andy-Capet
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le 21 janv. 2019

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