Harry, un marri qui veut faire le bien.
C’est tout de même un sacré choc que de voir apparaitre Clint Eastwood en costume, ray ban et chewing gum après la trilogie du dollar et les précédents Siegel.
Le San Francisco des 70’s a beau ressembler sur bien des points au Far West, (on y braque des banques, on y impose la loi du bout de son flingue, on y méprise les femmes), le contexte invite forcément à un recul un peu plus grand. La violence – et surtout sa résolution- qu’on accepte sans ciller dans les westerns prend ici une tournure contemporaine qui invite à la réflexion. Disons le tout de suite, ce n’est pas tant inquiétant que risible : la testostérone irradiant chaque prise de décision, notre héros des temps modernes semble davantage préoccupé de satisfaire à sa mauvaise réputation que d’appliquer un programme politique. Convaincu contre à peu près le reste de l’humanité qu’il faut éradiquer le mal, il y va, et le scénario lui offre un beau paquet idéal qui devrait remporter l’adhésion du public : un homme qui court avec un couteau et une belle trique avec une femme n’a pas de bonnes intentions. Certes. Un tueur qui en réchappe et prend en otage un yellow bus non plus. Certes.
Tout au plus aura-t-on la décence de dissocier la fonction de l’individu dans le dernier plan, où il jette son insigne à la flotte qui enlise le cadavre du bad guy. C’est déjà ça.
L’intrigue de Dirty Harry est donc linéaire au possible, franchement peu passionnante, et finalement sans aspérités. Le méchant est très méchant, et le gentil a raison d’être méchant pour neutraliser le méchant.
Il n’empêche que Don Siegel n’est pas le dernier des manchots, et sait ménager quelques belles séquences, accompagné d’un Lalo Schifrin en bonne forme pour immortaliser ce témoignage d’une certaine vision de l’Amérique des 70’s. La très belle ouverture sur les toits de San Francisco, l’analyse minutieuse et silencieuse des lieux par l’inspecteur font de la ville un personnage à part entière, que l’on retrouvera ponctuellement dans certaines cages d’escaliers, ou durant l’arrestation au stade.
Dépourvu d’une réelle complexité, sans surprise, Dirty Harry laisse donc un sentiment de déception d’autant plus grand qu’il réunissait une fine équipe, qui ne semble pas parvenir à insuffler au XXè siècle finissant la verve qu’il avait investie dans le précédent, aux origines de son pays torturé.
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