Superbe mélodrame réaliste, mis en scène par Mizoguchi avec une sécheresse et une sobriété qui n'empêche pas certaines envolées lyriques aussi bouleversantes qu'elles sont rares, "l'Intendant Sansho" est un film long et envoûtant, qui nous emmène à la suite d'une famille détruite à cause de la générosité d'un père (une générosité décalée par rapport à la cruauté de son époque) jusqu'au bout de l'émotion. Tout en retravaillant ses thèmes de prédilection (l'oppression, la cruauté des puissants, la prostitution, la noblesse de la femme), Mizoguchi en offre dans "l'Intendant Sansho" une lecture plus radicalement politique, qui culmine pendant les dernières quarante-cinq minutes, d'une grande tension et d'une profonde émotion (il est impossible de rester les yeux secs à la dernière scène !). On comprend alors la raison de la construction très linéaire d'un récit qui a pu sembler jusque là très appliqué, voire même par instants fastidieux : en arriver exactement là où le grand maître voulait nous emmener, après avoir été témoins de cruautés et de déchirements interminables, c'est-à-dire à la révolte, puis à la plus profonde humanité. [Critique écrite en 1982 et complétée en 2006]