Seth-ait pas la peine d'y aller si Franco
C'est ameuté, comme tout bon citoyen moutonnier, par les mille promesses d'un film réputé polémique, que j'ai combattu vents et neiges jusqu'à mon Pathé habituel pour une séance de The Interview. Vous remarquerez que j'userai principalement du nom original de ce film dans cette critique, parce que L'Interview qui Tue, c'est quand même dur à digérer (sur ce coup, je crois qu'on a même battu les québécois). Point d'originalité dans le scénario bien sûr; c'est plutôt les enjeux du film, qui l'avaient rendu si populaire (des journalistes people, tuer Kim Jong-Un ?!), l'univers dans lequel il s'ancre et l'humour salace et très premier degré désormais gravé sur le nom de Franco, qui semblaient constituer la force du film.
Qu'en est-il ? Eh bien, même si j'ai souri quelques fois et laissé échapper, à une ou deux occasions, un rire nerveux, je dois reconnaître que ce n'est pas vraiment mon humour. Bien sûr, ce n'est pas vraiment un point de critique: certaines personnes aimeront cet humour et aimeront le film pour ça, tant il en est garni et semble réalisé juste pour permettre à Seth Rogen et James Franco de multiplier mimiques et blagues scatophiles (et avec ce seul objectif). L'humour étant peut-être la chose la plus subjective du monde, il n'y a à la limite qu'un seul aspect de ce comique-là que je pourrais critiquer: cette obsession de rabâcher les choses, les blagues, et de faire toujours plus crade, toujours plus grossier. Grossier. Voilà, j'ai trouvé mon mot, comment définir l'humour de ce film et même le film lui-même: grossier.
J'aime l'humour débile, pourtant. Figurez-vous que je me suis passé RRRrrrr !! avec Alain Chabat plus de fois que je n'aurais pu le compter (trop, peut-être) sans qu'un seul de ces visionnages ne me fasse l'effet de ce film: l'impression de regarder un film trop gras, trop sale pour être drôle. Le film ne se prend certes jamais au sérieux, et assume tout ce qu'il donne à voir: une certaine image de la Corée du Nord, quoique très détournée, quitte à en faire souvent trop. En m'arrêtant à ce constat, je ne pouvais qu'être déçu en sortant de la salle (bon, d'un autre côté, je ne peux que féliciter l'agence de comm' du film d'avoir fait du si bon boulot tant ils ont survendu le film).
C'est après qu'une idée m'est venue à l'esprit, à propos de ce film. Comme vous êtes sages, je vais vous la dévoiler, à titre hypothétique bien sûr. Malheureusement, je vais devoir ouvrir une balise spoilers (bon, c'est pas un très gros spoil vu le rôle du scénario dans le film mais voilà).
SPOILERS
Dans le film, James Franco discrédite Kim Jong-Un en direct à la télévision pour qu'il n'ait plus ce statut de dieu auprès de la population. Bon, certes, il use de blagues grossières ("vous voyez, il a un trouduc' !") mais finalement le message passe bel et bien: un assassinat du dictateur, de n'importe quelle façon que ce soit, ne serait pas la solution, puisqu'il serait aussitôt remplacé par un bougre du même calibre. Non, ce qu'il faut, c'est quelque chose de détourné qui permettrait de faire voir à la population nord-coréenne que c'est bel et bien Kim Jong-Un qui les maintient dans la famine, alors qu'il pourrait les faire vivre: mais il préfère s'enrichir. Quelque chose de détourné... comme ce film ? Quoi de plus iconoclaste qu'un film qui présente le dictateur sous un angle aussi grossier ? Voilà mon idée: que The Interview ait également eu comme objectif de titiller Kim Jong-Un de cette manière-là, ce qui a finalement été évité par la censure, mais l'idée demeure: ce serait une solution.
FIN DE SPOILERS
Au final, je me trouve assez embêté au moment d'attribuer une note à The Interview. Faut-il le bâcher, pour son humour grossier et parfois tout simplement pas drôle ? Faut-il valider mon hypothèse, et saluer ce que le film essaye de faire ? Dans le doute, je tranche entre les deux: je ne peux clairement pas lui mettre la moyenne mais malgré ce 4/10 je pense que ma critique expliquera assez bien ma démarche. Un film à voir si vous aimez cet humour, ou si vous voulez vérifier de vous-même mon hypothèse; dans le cas contraire, ne perdez pas votre temps.