Dune, le troisième long-métrage de David Lynch, est tiré des nouvelles de Frank Herbert du même nom. Ne les ayant pas lues, la comparaison avec celles-ci s'arrêtera ici.
Un peu à la manière du texte défilant de Star Wars, Dune offre, dans ses premiers instants, une sorte de résumé explicatif à propos de l'univers dans lequel on s'apprête à plonger, pour au mieux contextualiser l'intrigue principale. Dans un monde tourné vers l'Epice, matière précieuse qui permet l'immortalité mais que l'on ne trouve que sur la planète d'Arrakis, on suivra ainsi les aventures du jeune Paul Atréides, qui aidera son père Leto Atréides, seigneur d'Arrakis, à se défendre contre les coups tordus du seigneur Harkonnen et de l'Empereur Shaddam IV de Kaitan qui lorgnent également sur Arrakis pour s'attribuer le contrôle définitif de l'Epice.
Vous n'avez rien compris ? Alors vous avez déjà un aperçu de l'état d'esprit dans lequel on débute le visionnage de Dune.
La complexité de l'univers de Dune est indubitablement un bon point. C'est la façon brouillonne dont il est présenté qui doit surtout être remise en question. L'immersion du spectateur dans le film n'a rien de fluide, rien d'agréable, et ces dix mille informations que l'on nous jette en cinq minutes donne déjà mauvaise impression. D'ailleurs, cette sensation que le film est mal dosé rejaillit plus tard, alors que l'on nous gratifie de deux ellipses majeures, chaque fois à des moments-clés de l'intrigue. Des ellipses qui donnent lieu à trois interprétations: soit l'adaptation de ces moments-clés appelait d'autres éléments de l'univers de Dune qui l'aurait complexifié encore davantage, soit ces ellipses existaient déjà dans l'oeuvre de Frank Herbert, ce dont je doute, tant ces ellipses constituent un frein au peu de suspense et de tension qu'instaure le film, soit Dune disposait d'un budget qui n'était pas suffisamment conséquent pour adapter tous ces moments-clés.
Je pencherais plutôt vers la troisième hypothèse, à en juger certains aspects visuels du film. Qu'il s'agisse des décors, des costumes, des effets spéciaux, Dune est rarement beau et souvent kitsch. C'est même à se demander où sont passés les 45M€ de budget que Dino De Laurentiis confiait à la réalisation du film; on rappelle que sept ans plus tôt, et avec un budget quatre fois plus réduit, l'épisode IV de Star Wars, Un Nouvel Espoir, dévoilait des effets spéciaux et dégageait un sentiment de réalisme bien plus fort que Dune. On ne peut en déduire qu'une mauvaise utilisation du budget qui donne un résultat bien piteux, qui justifiera le souhait de Lynch, en 1988, de retirer son nom du générique.
Une fois dépassés l'aspect kitsch, l'aspect visuel repoussant et l'aspect hermétique du film, Dune peut alors devenir à peu près intéressant. Même si l'on dispose d'une intrigue en tous points manichéenne, les thèmes abordés par le film sont plutôt originaux, et proposent une belle réflexion sur un mercantilisme sans limite. C'est cependant très insuffisant pour un long-métrage de 2h30, qui plus est de Lynch, qui y laissera d'ailleurs très peu sa marque (hormis pour les scènes de rêves prémonitoires et pour tout le mysticisme prophétique qui entoure Dune, il apparaît encore plus en retrait que pour Elephant Man). Pour le reste, Dune bénéficie d**'acteurs au mieux corrects, au pire ridicules**, et même si l'un d'entre eux se hasarde à esquisser une performance appréciable, il se voit discrédité par cette voix-off terriblement lourde et inutile qui est censée retranscrire les pensées des personnages. Etant donné que le film se base sur les nouvelles de Frank Herbert, datant de 1965, on ne criera pas au plagiat de Star Wars et de Star Trek, même si pour ne rien arranger Dune présente une structure étrangement similaire dans sa narration, ce qui a pour effet d'annihiler tout intérêt pour un scénario déjà connu: l'aspect manichéen, la prophétie qui annonce un élu qui renversera l'ordre établi, etc...
Dune n'est pas un bon film, c'est indéniable. On a cependant du mal à en vouloir à Lynch, sûrement débordé par le naufrage progressif d'un film qui était à la base une simple commande. Si le fond, à peu près intéressant, tient plutôt bien la route, la forme ne sera jamais au rendez-vous, entre mauvaise BO comme seules les années 80 savent les faire, acteurs à peine corrects et esthétique abominable. Lynch passera à autre chose en réalisant deux ans plus tard Blue Velvet, pendant que Dune glissera progressivement dans l'oubli... En attendant un possible remake ?