S'il fallait ne retenir qu'une chose de toute cette sombre affaire, ça serait qu'il vaut mieux se méfier des types qui reçoivent leurs visiteurs cul nu dans leur chambre d'hôtel. Et qu'on ne reçoit pas dans sa salle de bain, aussi, c'est plus que suspect... Blague à part, ce documentaire aux louables intentions enfonce forcément un peu des portes ouvertes. Il n'y a plus à disserter pour établir 1/ que Weinstein est un malade dangereux, 2/ que les types en position de pouvoir sont les plus à même d'abuser dudit pouvoir, 3/ que le tourbillon délétère qu'ils créent autour d'eux aspire immanquablement tous ceux qui n'ont pas de garde-fous assez solides pour s'y accrocher au cas où. Par contre, là où le documentaire s'avère le plus utile, à mon sens, c'est justement sur cette "zone grise" que le mouvement #MeToo a mise en lumière : ces situations limites où un contact à caractère sexuel ou juste scabreux a lieu sans véritable consentement, mais également sans opposition farouche. Ces nuances de gris si opportunément mises à la mode ces dernières années ont donné lieu à de véritables abus qui ne disent pas leur nom. Parce qu'on n'a pas entendu hurler la victime jusqu'au sommet de l'Empire State. Mais bon, il faut quand même être de mauvaise foi pour ne pas vouloir envisager certaines formes d'emprise. Certaines victimes de Weinstein tentent de s'en expliquer à grand-peine et avec un certain courage. Elles ont tout bonnement eu peur de déplaire - et ça, pour une actrice, c'est gênant - ou se sont laissé impressionner. Il faut dire qu'en face d'elles, elles avaient un impressionneur professionnel, un type qui faisait profession d'épater la galerie, de faire de l’esbroufe, de jeter de la poudre aux yeux, de s'imposer physiquement, d'écraser les plus discrets. Le plus triste, c'est qu'apparemment, il aurait eu suffisamment de talent pour parvenir à avoir un certain succès sans recourir à ses pratiques mafieuses. Mais il était mégalo et il lui fallait tout. Une femme et des conquêtes. Des Oscars, du respect, du succès public, du succès critique, des admirateurs et des inféodés, peu importait. Et autour de lui, certains en ont bien profité, et beaucoup ont cru que c'était comme ça que les choses marchaient, au risque d'avoir un peu de mal à soutenir le regard de l'interviewer aujourd'hui. Voilà la vraie leçon, finalement : certains types peu recommandables prospèrent parce que tous les autres les laissent faire et se contentent des miettes. Einstein l'avait dit devant la montée du nazisme, je crois, et le reste n'est qu'une question d'échelle. Il faudrait qu'on se mêle de ce qui ne nous regarde pas, envers et contre tout. Les journalistes en premier, mais nous tous aussi.