Élevée dans une famille pauvre, Mary subvient aux besoins des siens en vendant de la nourriture aux ouvriers de la ligne électrique et par la même occasion, rencontre Tim et Wrenn. C'est à cette période que les États-Unis entrent dans la Grande Guerre, celle qui rendra Tim infirme...
Dernier film muet de Frank Borzage, Lucky Star ne fut retrouvé qu'en 1990 par la cinémathèque hollandaise, et uniquement dans sa version muette (alors qu'une bonne partie avait déjà été tourné en muet, la fox exigea qu'il soit terminé en parlant et deux versions ont vu le jour, une sonore destinée au marché américain et celle muette pour l'étranger). Et quel film ! C'est ma troisième expérience avec le cinéma de Borzage après la décevant comédie The Circle et le magnifique L'heure Suprême et c'est l'émotion et la puissance de ce dernier que je retrouve ici.
Il rentre assez vite dans le vif du sujet et en peu de temps, présente les personnages et le contexte de la guerre. Il met en scène cette jeune fille pauvre et légèrement malhonnête qui va voir sa vie transformée au contact de Tim, d'abord par cette première fessée avant la guerre puis lorsqu'elle va tomber amoureuse de l'homme infirme après. C'est à son contact qu'elle va évoluer et devenir peu à peu une vraie femme.
Alors si c'est dommage que les personnages soient parfois légèrement un peu trop caricaturaux, cela n'enlève rien au charme et surtout à la puissance de l'oeuvre dont Borzage fait ressortir toute l'émotion des enjeux et personnages. N'hésitant pas à s'attarder sur de simples scènes de vies, il les rend belles et touchantes, à l'image de ce shampoing aux œufs. Il donne une dimension lyrique et poétique à son récit et nous fait sentir proches des protagonistes, de leur découverte de l'amour et la façon dont il vont tenter de contourner les obstacles pour le vivre pleinement.
La fin est totalement folle et là où beaucoup de réalisateurs l'auraient rendu lourde par son symbolisme, Borzage la rend belle, notamment grâce aux péripéties qui précèdent, la façon dont il dresse un portrait tendre de Mary et Tim et sa maîtrise derrière la caméra. Effectivement, la majorité de ses plans sont magnifiques et totalement maîtrisés et il exploite à merveille les décors qu'il a à sa disposition, mais surtout ses acteurs. Comme dans les plus beaux mélodrames muets que j'ai eu la chance de voir, un simple geste ou regard en dit bien plus que n'importe quel mot et cela prend tout son sens à travers le couple Janet Gaynor/Charles Farrell. D'un regard ou même d'un geste de la main provoquée par Charles Farrell, Janet Gaynor fait ressortir toute l'émotion de son personnage.
Frank Borzage reprend le thème de L'heure suprême où l'amour fou peut être capable de braver n'importe quel obstacle et c'est avec tendresse, émotion, puissance et lyrisme qu'il le met en scène.