Un conte bien plus visuel qu'approfondi
Il en fallu du temps à la Fox, qui détient les droits depuis 2000, de voir un jour le livre du Canadien Yann Martel transposé au cinéma. Pour cela, bon nombre de réalisateur (dont Jean-Pierre Jeunet) ont défilé pour se voir offrir les commandes de ce projet d’envergure, pour finalement atterrir entre les mains d’Ang Lee, à qui l’on doit Tigre et Dragon, Le Secret de Brokeback Mountain et du loupé Hulk. Etait-ce une bonne chose d’avoir confier l’adaptation d’un best-seller au réalisateur taïwanais ? (ATTENTION, SPOILERS !!)
Le film raconte l’histoire magique des aventures de Pi Patel, fils du directeur d'un parc zoologique. Ayant vécu à Pondichéry, la famille décide de déménager au Canada. Ils embarquent alors à bord d’un énorme cargo. À la suite de son naufrage, Pi se retrouve à la dérive dans l’océan Pacifique à bord d’un radeau de sauvetage accompagné d’un zèbre blessé, une hyène, un orang-outan et un tigre du Bengale appelé Richard Parker, lesquels essaieront de lutter pour leur survie.
N’ayant pas lu le livre, il va être difficile de le comparer avec le film. Néanmoins, je vais le prendre tel que je l’ai vu. Et question scénario, je suis quelque peu sur ma faim. Surtout avec toutes ces excellentes critiques qui annonçaient carrément un mythe, surfant sur la philosophie et l’humanité. Il est vrai que L’Odyssée de Pi possède un charme dans son histoire. En mettant de côté un début bien trop longuet et quasi inutile, le film commence à s’envoler quand le malheureux Pi se retrouve en pleine mer : leçons de survie racontées avec humour (oui, il y en a un peu, comme le coup du tigre urinant subitement sur le jeune garçon) et émotions, moments philosophiques… Et pourtant, il m’a été difficile d’accroché au côté (trop) spirituel de l’ensemble, rendant l’ensemble bien trop niais. D’ailleurs, L’Odyssée de Pi sent les bons sentiments à plein nez, au point que cela en devienne agaçant d’écouter des répliques que l’on pourrait entendre dans le plus loupé des films live signés Disney. Sans oublier que le film passe de temps à autre entre l’aventure du jeune Pi avec l’histoire racontée par lui-même, bien plus âgé, à un écrivain en quête de sujet. Ce que l’on retiendra, c’est l’élévation du film dès le naufrage du cargo jusqu’à l’écoute d’une autre version de l’histoire, qui fait passer celle à laquelle on vient d’assister durant 2h pour une belle métaphore, une animalisation, une vision adoucie de ces semaines de dérive.
Mais là où l’on attendait L’Odyssée de Pi, c’est bien du point de vue visuel. Et même si, par moment, certains animaux ont été numérisés de manière incompréhensible (pourquoi un éléphant et une girafe numériques pendant le générique du début ?), il n’y a strictement rien à dire ! Sans parler de la séquence de naufrage, spectaculaire, L’Odyssée de Pi est un véritable régal pour les yeux, nous offrant des plans de toute beauté ! Des effets spéciaux réalistes (le tigre Richard Parker, une pure merveille !!!), inventifs (« l’île carnivore ») ou bien magiques (les méduses fluorescentes suivies du saut de la baleine à bosses). Mais le meilleur reste sans nul doute le traitement de l’eau, le film faisant souvent passer les étendues aquatiques pour le ciel ou bien l’espace, selon le placement de la caméra ou bien l’harmonie avec le véritable plafond céleste. Renforçant ainsi le côté spirituel du film ! Et le tout rehausser par une 3D assez bluffante, qui nous permet de rendre réaliste ces images (le tigre sautant subitement sur la hyène, le fauve nous faisant alors face) ou bien riches en relief (le banc d’exocets).
Le reste du film n’a rien à envier à ces belles images, mais il faut bien avouer qu’on oublie vite certains détails, tels que les acteurs (dont un Gérard Depardieu en guest star) ou encore le travail de mise en scène autre que purement visuel. Mais fort heureusement, la musique de Mychael Danna sait se faire entendre et embellit chaque image de ce conte visuel !
Voilà sans doute le problème avec L’Odyssée de Pi… En le voyant, on voit bien que le réalisateur a voulu garder la spiritualité et la dimension philosophique de cette aventure et conte initiatique. Malheureusement, tout s’efface derrière de splendides images (sans doute parmi les plus belles de l’année) qui font passer le film comme un merveilleux rêve à regarder et un cauchemar à vivre, plutôt qu’une exceptionnelle plongée dans notre humanité. C’est magnifique et gnangnan à la fois. Quelque part, c’est dommage, mais d’un autre côté, c’est une véritable bouffée d’oxygène !!