"Et où vont les fientes de tigre ?"
Cette question m'a brulé les lèvres tout le long de cette fable dont la mièvrerie n'a d'égale que la stupidité de l'exécution. Ang Lee nous prouve une fois de plus, s'il le fallait, qu'il est perdu à jamais. Sa carrière est loin derrière lui.
Déjà, il n'a jamais été un fabriquant d'images. Son film le plus beau, plastiquent, demeure Ride with the Devil où le réalisme cru était de mise. Là il lui arrive de partir dans des délires éthyliques moches à pleurer du sang, et se complait dans les cieux numériques ORANGES et les méduses numériques BLEUES.
Et donc, fort de ses choix de couleurs systématiquement foulées au mégaphone, il nous pond une sorte d'hybride entre Big Fish et Cast Away, mêlant le récit allégorique et le film-de-survie alors que les deux s'excluent mutuellement. On ne peut pas vraiment trembler pour le personnage, vu qu'il raconte l'histoire (une histoire complètement bancale, de surcroit), ni s'intéresser à son développement psychologique vu qu'il ne se constitue au mieux que de bondieuseries surannées...
Pourtant c'est pas faute d'essayer : Ang Lee perd vingt minutes à nous démontrer qu'on peut tout à fait croire à plusieurs choses réputées incompatibles en même temps... Mais là dessus il confond péniblement Foi et crédulité. Et quand se pose le problème de savoir si l'histoire de Pi fait croire en Dieu, je vocifère : "Non ! Elle fait croire aux scénaristes-cancres..."
Dieu a pris, Dieu a pourvu... N'importe quoi !
Le pauvre Rafe Spall fait ce qu'il peut dans son rôle d'interlocuteur benêt, mais quand vient la fin et qu'il doit avouer : "Je ne sais que dire..." j'ai encore envie de lui hurler : "Demande lui pour les fientes de tigres ! et où sont passées les carcasses d'animaux ? et comment Pi s'est retrouvé sur Pandora ? Et pourquoi n'a-t'il jamais fait l'effort de retrouver sa copine ?"
Au lieu de ça, il reraconte l'histoire en dévoilant : "Alors le cuistot c'était lui et le bouddhiste, c'était..." j'ai cru mourir sur place. Prends-moi pour un con.
D'autant que Théologiquement, c'est du grand art : on choisit donc de croire en Dieu parce que c'est une histoire plus sympa à suivre... En fait, le seul moment où l'on voit les fientes de tigre, il les jette à la gueule du spectateur, en 3D.