Un beau voyage, illuminé par une beauté formelle parfois très esthétique et souvent surprenante. L'odyssée de Pi possède une vraie ambition artistique et cela se ressent fortement à l'écran. Son auteur nous offre une explosion continuelle de couleurs au service d'une métaphore cinématographique constante. Malheureusement, si quelques effets numériques sont particulièrement soignés et servent avec panache ce conte moderne et atypique, on regrettera quand même qu'ils soient en majorité bien grossiers et plus dignes d'une démo technique que d'un réel intérêt cinématographique.
C'est à mon sens le gros problème du film, ce manque de finesse au niveau des effets spéciaux effectivement, mais également dans tout son ensemble. L'image y est constamment tape à l'oeil, le script est affublé de gros sabots et les thématiques pompeuses abordées par Ang Lee sont surlignées au Poska XXL. Tout cela pourrait entraîner un gros mal de crane si la troidé, on ne peut plus grossière également, ne s'en était pas déjà chargé. J'ai pu lire à de multiples reprises que le travail effectué sur les effets 3D était enfin justifié, je suis bien plus sceptique. Pour moi, son utilisation dans l'Odyssée de Pi est l'exemple même à ne pas suivre, la voie à éviter sous peine de nous infliger des films qui vont perdre tout de leur intérêt pictural. Dans cette odyssée de Pi, Ang Lee sabre le potentiel graphique qu'il a entre les mains avec une lumière par moment inexistante. En ce sens, toute la séquence illustrant le naufrage de nuit en est le parfait exemple : elle devient complètement illisible, la faute à une luminosité fortement diminuée par la technologie numérique 3D. Alors oui, quelques passages forcent le respect, on pense aux plans presque naturalistes qui composent toute la partie ventrale du film, mais c'est à mon sens trop proche du jeu vidéo ou de la pub pour Parfum (j't'en mets plein les yeux alors tuteté !) pour posséder un réel intérêt .
En guise de nuance, il faut tout de même reconnaître au film des qualités indéniables, que ce soit dans sa direction artistique globale mais également en matière de direction d'acteurs (le gamin est plutôt bon, même s'il est bouffé par une écriture aussi subtile qu'un Bigard cuité). Mais tout cet investissement est anéanti par des effets numériques à foison qui fatiguent vite et rendent les 2 heures du film pénibles à tenir, d'autant plus que l'histoire souffre aussi de gros problèmes narratifs. En découle un rythme en dent de scie, qui invite à la fête de gros moments d'ennui, à tel point que le générique de fin sonne comme une joyeuse délivrance. En plus de récupérer ces yeux, on peut enfin passer à autre chose, parce que bon, au risque de paraître aigri, toute la fin est une horreur sans nom d'explications hideuses, offertes à un spectateur à bout de souffle qui ne demandait pourtant pas tant de réponses.