Entre l'obscurité et la lumière
Nous voilà projetés en 1610, à la cour de Rodolphe II et plus précisément au domicile de son astronome attitré Johannes Kepler. A Prague, la capitale de l'Empire, le scientifique vient de recevoir une lunette astronomique inventée par Galilée. Documentariste chevronné, Stan Neumann décide de passer du côté de la fiction. Pas trop non plus car il s'agit ici de raconter une décade bien particulière dans la vie de Kepler auquel Denis Lavant prête ses traits avec sa maestria coutumière. Ca en deviendrait presque lassant à force ! Grégory Gadebois, dans un rôle secondaire ajoute à la qualité de la distribution.
Tout est au service du message scientifique ici. L'éclairage est d'époque : bougies et lampes à huile et le tournage n'a eu lieu que la nuit. Forcément, la nuit pour observer et découvrir la voie lactée, c'est mieux.
C’est une histoire de regard. Au spectateur de se transposer, d'oublier ses connaissances, ses certitudes pour se préparer à la découverte. Kepler ne jouit pas (plus) de l'aura scientifique d'un Galilée -dont il prolonge les découvertes- ou d'un Copernic, son prédécesseur et le film privilégie la science à l'action. J'entends par là qu'il ne plaira pas à tout le monde. D'ailleurs, il n'a été projeté que dans des festivals scientifiques ou des salles spécialisées. Kepler est un personnage hors normes à son époque : un mathématicien illuminé, un roturier à la cour, un moderne archaïque, un protestant chez les catholiques...
Dans un monde où la science fait encore peur, où elle est opposée à la puissance de la religion :"Dans la Bible, on parle du Ciel invisible, l'astronomie parle du visible !" est-il obligé de se défendre, où la sorcellerie est dans tous les esprits, nous assistons au tâtonnement d'un esprit chercheur. La politique, évoquée en toile de fond est indispensable au sujet. Les complots, la folie de l'Empereur qui seule a permis à Kepler de mener ses projets fous à bien.
Je ne m'attarderais pas sur l'aspect technique qui confère à l'image nocturne cette beauté -les cieux remplis de n uages, les visages à demi éclairés, les jeux d'ombres et de lumières...- car je n'y connais absolument rien mais Neumann souligne que 6 mois auparavant le tournage n'aurait pas pu se faire de la même façon.
Merci mon cher Denis pour cette leçon d'astronomie.