Mamoru Oshii, le papa de Ghost in the Shell, nous livre ici un film crépusculaire et lyrique, contemplatif et complexe, proche d'Avalon. On y suit principalement deux protagonistes:
Le premier est une fillette au visage angélique et à la chevelure flottante, transportant un œuf comme s'il était son propre bébé, cet être séraphique peut être vu comme enceinte à la façon dont elle transporte cet œuf sous ses vêtements et l’œuf comme une future naissance, seule forme de vie future dans un univers ou tout parait inanimé et toute forme de vie éteinte. En effet, la seule forme de vie humaine en dehors des deux personnages principaux est un groupe d'hommes représenté par un gris monochrome, telles des figures fantomatiques au visage inexpressif dénué de toute âme. Cette fillette, véritable incarnation d'un ange et secondairement des vertus théologales est une sorte de messie, renvoyant à l'image de dernier espoir sur terre.
Le second personnage est plus mystérieux et fortement intrigué par l’œuf... Les mains bandées et portant une croix, il est en quelque sorte une figure du christ et des vertus cardinales, guidant la fille dans sa quête. Son geste envers l’œuf semble réfléchi, Mamoru Oshii s'attarde longuement sur la scène qui le précède. On peut penser que ce protagoniste fait ce qui lui semble juste, qu'il a la force de faire ce dont l'ange est incapable, sacrifice d'un pour en engendrer plusieurs, l’œuf étant symbole de foi et une sorte de fruit défendu au yeux de sa protectrice, ce personnage répand la foi de par son geste en poussant la fillette au sacrifice.
Il y a un troisième personnage qui n'est pas présent physiquement mais que je suppose influant sur le récit: le serpent, symbole du mal. D'après l'apocalypse, Il est à l'origine du fleuve dans lequel tombe la femme enceinte et est représenté comme celui qui s'en prend à ceux qui annoncent la bonne nouvelle. Il est aussi lié au fruit défendu tout comme l’œuf à l'arbre... Le serpent a de nombreuses symboliques et on pourrait y voir un peu de ces symboliques en la présence du personnage christique. On le sait fourbe, rusé et mystérieux, “qui es tu?”, son agissement envers l’œuf se fait dans la plus grande sournoiserie, profitant de la naïveté enfantine du petit être spirituel. Par ailleurs, le passage de cette petite fille à l'âge adulte se déroule lors de son sacrifice, comme si ce dernier lui ouvrait les yeux sur la triste réalité faisant d'elle une femme ou plus symboliquement la perte de la pureté.
L’œuf de l'ange fait partie de ces films ou tout est suggéré et dans le détail, fasciné ou rebuté devant ce récit biblique d'une grande force visuelle, le spectateur est libre dans son interprétation. Ceci est la mienne.