Ne pas détourner les yeux. C'est un des messages du flm, aux conséquences parfois mortelles, parfois salvatrices. C'est le conseil d'une "folle", alors que la déviance est la plus solide rationalité face aux horreurs nazies. On peut voir ce film comme la réconciliation entre la folie -artistique- et le monde ; comme la quête de l'art, l'expression d'une vérité propre à chacun, hors de l'emprise d'un pouvoir d’État ou du marché.
Il serait dommage d'aborder le film exclusivement comme une œuvre autobiographique du peintre Gerhard Richter, qui l'a d'ailleurs assez mal accueilli. Bien plus, le spectateur y trouve de belles réflexions sur son rapport esthétique au monde et aux formes artistiques pour les exprimer.
De Dresde à Düsseldorf, on suit le duo formé par Tom Schilling et Paula Beer, d'un romantisme absolu (mais pourquoi parfois se priver de choses parfaites?). Ainsi, le savant mélange entre histoire, art, philosophie, humour, amour, rend les trois heures totalement digestes.
L'exigence du travail de mémoire apparaît aussi en filigrane. On ne peut être que décontenancé par le propos d'un artiste qui ne donne aucune explication à son œuvre, semblant nier toute l'histoire personnelle, mais de portée collective, qui l'a mené à la création. Cependant, l'expression "œuvre sans auteur" recouvre la négation du moi narcissique, mais pour permettre l'affirmation de l'autre. Elle est moins la prétention à toucher l'universel que la possibilité de laisser chacun libre d'interpréter et de sentir l'art à sa manière.
Ne pas détourner les yeux, donc. Merci à tous ces artistes qui gardent les yeux grands ouverts, même et surtout sur les laideurs du monde.