Voilà un film que tous les enseignants devraient visionner une fois tous les 15 ans, pour ne pas oublier qu’il ne suffit pas d’avoir des connaissances et des diplômes pour être un bon professeur. Encore faut il savoir transmettre son savoir, communiquer sa passion pour sa discipline et encourager les élèves à apprendre. S’enfermer dans une routine, ou se faire craindre de ses élèves est un bon moyen d’avoir la paix, mais c’est aussi une bonne recette pour annihiler toute vie dans une classe.


Le film d’Anthony Asquith a obtenu en 1951 le prix du scénario pour Terence Rattigan d’après sa pièce et le prix d’interprétation masculine à Michael Redgrave au festival de Cannes et ce n’est que justice, tant le premier est bien ficelé et puissant et la seconde tout à fait remarquable.


Après une scène d’exposition qui campe la vie bien réglée de ce collège typiquement british, on apprend que Monsieur Crocker-Harris, professeur de lettres classiques, doit quitter le collège, après 18 ans de loyaux services, pour raison de santé. Alors qu’autrefois il était un prometteur enseignant, aujourd’hui, il est devenu un professeur ennuyeux, rigide et castrateur, au point d’être surnommé le croulant par ses élèves, ou même d’être affublé de l’adorable sobriquet d’Himmler.


Comme c’est la fin de l’année scolaire, une cérémonie est programmée, dans laquelle il devra faire un petit discours d’adieu. Il apprend par le directeur que malheureusement la pension qu’il espérait ne lui sera pas octroyée et celui-ci lui demande s’il ne pourrait pas faire son discours avant celui d’un autre professeur, très populaire, et qui donc soulèvera l’enthousiasme de l’assistance, pour en quelque sorte ne pas gâcher la fête avec son propre discours probablement poussiéreux.
On voit que le professeur a l’habitude de subir ce genre d’humiliation, mais il y fait face stoïquement, sans se plaindre. Il se trouve par ailleurs que sa femme le trompe avec un collègue plus jeune et plus brillant, ce que tout le monde sait, y compris lui-même. Il n’est pas dupe de son échec professionnel, ni du naufrage de son mariage. Mais la vie semble avoir quitté cet homme et il en a pris son parti. Il continue à vivre, comme si de rien n'était, tel un automate, l’essentiel dans cette société britannique conformiste étant de sauver les apparences et de rester digne.


La scène où son élève, le jeune Taplow lui remet en cadeau un exemplaire d’Agamemnon d’Eschyle, traduit par Robert Browning, The Browning Version, est extrêmement émouvante et remarquablement mise en scène.
Il s’en suivra une succession de scènes fortes qui feront décoller l’intrigue au delà d’un film sur l’enseignement, pour atteindre le drame intime d’un homme brisé.


Le discours final est également très réussi, très bien mis en scène et poignant à souhait (sans pour autant en faire trop), tout comme la scène des adieux entre les époux. Il n’ont plus rien à se dire, aussi la scène est muette, toute en suggestion. Il n’y a rien à ajouter.


Le personnage de Hunter est surprenant. Prof de sciences, moderne et populaire, amant de la femme de Crocker-Harris, il représente l’antithèse du vieux prof de lettres. Il n’en est pas moins très droit et compatissant et aidera l’homme blessé dans sa tentative de rédemption.


Le jeune Taplow est un élève modèle, curieux, vif, enjoué, intelligent, charitable et charmant, comme on en voit peu au cinéma et encore moins dans la vie réelle.


Millie Crocker-Harris, la "pauvre" femme mal mariée, est finalement le personnage le plus négatif de cette histoire. Certes, elle est encore jeune et séduisante et on la plaint d’être si mal assortie à son vieux et austère mari, mais elle se montre si odieuse avec lui et peu aimable en général, qu’on ne compatit pas vraiment sur son sort, qui pourtant est très cruel.


Andrew Crocker-Harris est au départ plutôt antipathique lorsqu’on le voit évoluer dans sa classe, mais on comprend peu à peu que c’est un homme respectable, en partie victime des circonstances et il deviendra très émouvant quand sa carapace se fissurera et qu’il retrouvera son humanité.

Roinron
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le 12 sept. 2017

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