A l'annonce de la réouverture, enfin !, des salles de cinéma, Behind n'en pouvait plus de joie. Pensez donc. Il s'était retenu trois mois. A ne pas pouvoir s'évader. A ne pas pouvoir s'abandonner à l'excitation de la découverte, aux quelques secondes de plaisir quand l'intensité de la lumière diminue, avant de plonger dans le noir et de se laisser emporter.


Son premier billet cinéma post confinement, Behind pensait le consacrer à The Hunt, dès le lundi. Mais le professionnalisme de Chronopost en aura décidé autrement, reportant la séance de deux jours, me donnant ainsi l'occasion de me concocter un double programme.


L'Ombre de Staline, le masqué en avait vu la bande annonce dans les derniers jours du monde d'avant, celui où il n'y avait pas encore d'amour au temps du corona'. Et le film m'avait fait de l'oeil, par les accents thriller qu'il semblait convoquer, sur fond de reconstitution historique.


Sauf que cet aspect est loin d'être le coeur de l'oeuvre, ce qui a un brin chagriné le masqué dans un premier temps. Alors même que nous sommes en Union Soviétique, le pays des espions par excellence, et où on écoute tout. Mais il n'y aura, dans L'Ombre de Staline, que très peu de paranoïa, très peu de suspicion, et très peu de cette menace là.


Le film prendra donc la tournure de l'énième histoire vraie, du journalisme qui se débat afin de faire éclater la vérité, traitée par le prisme d'un jeune pigiste encore animé de ses illusions. Autant donc dire que le ronron arrivait, surtout pas sur la pointe de pieds.


Et si la première partie demeure agréable et bien mise en scène, sans pour autant enthousiasmer, dès que le film inscrit Gareth Jones en Ukraine, il semble se transfigurer. En raréfiant à l'extrême ses lignes de dialogue. En désaturant sa photographie, devenant instantanément austère. En suivant son héros à la découverte d'un véritable pays mort vivant, écrasé, saigné. En dessinant un personnage amputé de ses idéaux, de sa candeur et de sa naïveté. En restant sobre, tout en évoquant les images les plus atroces.


Agnieszka Holland capitalise sur cet incroyable sursaut afin d'incarner son héros, ses failles, ses difficultés, les murs sur lesquels il s'écrase en portant sa vérité face aux dénégation et la propagande soviétique d'une puissance à toute épreuve.


Certains vous affirmeront certainement que le traitement de L'Ombre de Staline sera considéré par trop hollywoodien. Peut être cède-t-il à quelques facilités. Mais le sujet, que j'ignorais pour ma part, se montre suffisamment intéressant pour convaincre, tout comme le parallèle dessiné avec La Ferme des Animaux, et avec notre époque, faisant réaliser soudain les bégaiements de l'Histoire et les lâchetés, les attitudes légères qui permettent de l'écrire, comme le souligne la première scène emballée par la réalisatrice.


Tandis que son interprète principal se montre assez attachant pour qu'on ait envie de le suivre dans sa quête de vérité et dans son désir d'ouvrir les yeux du monde sur les activités d'un régime aux allures de mensonge collectiviste.


Si L'Ombre de Staline ne révolutionnera pas grand chose, il convainc par la force de son propos et dans sa présentation d'un épisode historique méconnu.


Behind_the_Mask, derrière le rideau rouge.

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le 24 juin 2020

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