On doit à Daniel Duval une poignée de films à fort ancrage social. Si le plus connu reste la Dérobade (1979), l'Ombre des châteaux réalisé trois ans plus tôt est remarquable de poésie et d'humanité. Tamasa nous donne l'occasion de le (re)découvrir avec un superbe mediabook Blu-Ray/DVD. Une réédition agrémentée d'un livret et d'un documentaire de 52 minutes sur la genèse du film.


Canada dream


Les Capello, une famille d'émigrés italiens, vivent dans une bicoque au milieu des terrils. Quand Fanny, la fille, est placée en centre de rééducation, Luigi et Rico, ses deux frères, décident de l'en sortir coûte que coûte. Quitte à s'endetter auprès d'un avocat véreux. Le décor des mines de charbon du Nord et le scénario de la séparation familiale n'ont rien de hasardeux de la part d'un réalisateur issu d'une famille de mineurs et ayant connu ensuite l'assistance publique. Tout comme le choix de faire figurer son propre père dans le film, en vieillard taiseux, épuisé par la vie. La réalisation elle non plus n'est pas démonstrative. Plutôt une succession de scénettes originales qui esquissent le portrait de ces petites gens restées dans l'ombre de la réussite sociale. Pour autant, si Luigi et Rico partagent un lit de misère et toutes les galères qui se présentent, ils ont pour eux cet optimisme de nature. Leur rêve ultime, figuré par un poster collé au plafond de leur chambre : partir au Canada. Ce rêve d'Amérique encore vivace dans la France des années 70.


Comédie, western et road-movie


Il y a un peu du cow-boy dans ces deux lascars à cheval sur leur mobylette. La scène où ils sont poursuivis à travers les terrils par une horde de blousons noirs est digne d'un western. De fait, le film multiplie les emprunts à des genres aussi différents que la comédie, le film noir ou le road movie. Les partitions de Philippe Léotard en grand frère idéaliste et d'Albert Dray dans un rôle à la Sancho Pança sont tout à fait réussies. Leurs personnages, pourtant plombés par un fort déterminisme social jouent notamment sur un registre burlesque qui déride un ensemble plutôt pessimiste. Ainsi, le film est-il intéressant pour ses ruptures de tons et l'on rit volontiers des turpitudes de Luigi et Rico. Un cinéma qui se rapproche finalement beaucoup de celui d'Ettore Scola (Affreux, sales et méchants) ou Dino Risi (Le Fanfaron).


Humanité et poésie visuelle


C'est l'humanité des personnages qui caractérise le mieux le cinéma de Daniel Duval. Le film brosse le portrait de cette France d'un autre temps, celle des notables et des culs-terreux, des blousons noirs et des bonnes sœurs, une France contrastée.  Mais sans forme de jugement ni oppositions sociales frontales comme chez Ken Loach.  La force de l'Ombre des châteaux tient surtout  à ce regard très tendre que le réalisateur porte sur ses personnages. Ce vieux père qui souffle dans des ballons de baudruche à longueur de journée. Ces deux frangins qui miment leur traversée de l'Atlantique à bord d'un wagonnet surmonté d'un mat. Ou cette fête foraine au cours de laquelle la fratrie réunie touche du doigt un bonheur certes fugace mais qui n'aura pas attendu l'Amérique. Une poésie visuelle dont le grain à la fois lumineux et terreux fait du bien aux yeux comme au cœur.


Critique publiée sur le MagduCiné


8/10
<3

Theloma
7
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le 26 févr. 2020

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Theloma

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