Le corps et le fouet
Beaucoup aimé ce film considéré comme mineur de la Shaw Brothers. Le scénario n'a rien de très original mais est clair, bien amené, et réserve son lot de surprises. La mise en scène de Lo Wei, solide...
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le 16 févr. 2016
- Demoiselle. Tu as vu les deux cadavres, ici et dehors ?
- C'est toi qui as fait ça ?
- Oui, ils ont refusé de parler. Si tu refuses aussi, tu subiras le même sort.
- Vous n'êtes que des bandits !
- Ah ah ah ! Tu ne manques pas de souffle ! Toi, tu vis avec le pire des bandits.
- De qui tu parles ? D'oncle Fang ?
- Exactement.
- N'importe quoi. Oncle Fang est un champion. On le surnomme Fouet-divin.
- C'est juste.
L’Ombre du fouet est un classique du film d'arts martiaux mettant en scène la célèbre actrice Cheng Pei-Pei sous la réalisation du grand cinéaste et comédien Lo Wei, à qui l'ont doit des films connus comme Big Boss, La Fureur de vaincre... Il est à noter que tous deux se connaissent bien ayant tourné plus de cinq fois ensemble, avec à chaque fois un succès retentissant autant critiques, que monétique. Pourtant cette oeuvre marquera la dernière collaboration entre les deux tourtereaux auprès de la grande et renommée firme de production "Shaw Brothers" forte de ses milliers de créations d'une richesse perceptible dont plus d'un quart furent des longs métrages d'arts martiaux.
L'Ombre du fouet est un Wu Xia Pian particulier, ayant l'originalité d'être un des rares, si ce n'est le seul à l'époque à proposer un personnage principal utilisant un fouet comme arme de base. Une nouveauté apportant du panache au récit au cours d'affrontements d'une violence étonnante.
L'actrice Cheng Pei-Pei (accompagnée de l'acteur Tien Feng tous deux habitués à jouer ensemble), nous fait une belle démonstration de cette arme inaccoutumée, qui demande une grande dextérité et une fluidité des mouvements chirurgicaux. Que ce soit l'héroïne ou son oncle, chacun brille dans l'action un fouet à la main, d'une manière à la fois éloquente et écrasante. Très distrayant à contempler en pleine action. Dans l'oeuvre "The Thundering Suad" la comédienne avait déjà manipulé des fouets, elle avait précisé de ses propres mots : "la galère à manier ces trucs". Cela a la vertu d'être tellement original que la structure même des combats devient insolite, inattendue et attractive, même s'il est à regretter quelques loupés avec certains gestes, qui sont plutôt mal exécutés.
Pas mal pour une jeune fille n'ayant à la base que des notions de danseuse.** Elle peut dire merci à la Shaw Brother avec qui la comédienne avait signé un contrat d'exclusivité d'une durée de 7 ans, pendant lesquelles elle fut formée sur son jeu d'actrice, d'art martiaux et même en cours de langue.
À noter que durant le tournage, deux fouets de tailles différentes furent utilisés pour faciliter les séquences. Le plus long pour les plans larges, le plus court pour les plans rapprochés, notamment, durant les phases de duels où les risques de se blesser étaient réduits avec le plus court. Les confrontations sont superbement dépeintes, le fouet telle une lame ondulante et oscillante, arrache et tranche des membres, saisie, projette, et fouette de toute sa puissance. Les impressionnantes chorégraphies signées Hsu Erh-Niu sont spectaculaires, n'hésitant pas à hausser et intensifier les séquences de combat à mesure que l'histoire avance.
La mise en scène livre toute sa force d'exécution dans les affrontements de masse contre les trois maîtres Noirs. C'est surtout contre le gang des bandits de Yangyun, qu'elle laisse libre cours à quelques passes d'escrime en équipe déroutant et dynamisant, où Pei-Pei, projette avec son arme ses adversaires pour mieux les ressaisir au vol et les envoyer vers ses équipiés, ou simplement les claquer au sol.
J'en retiens deux moments particuliers :
1) Celui où la Miss saisi avec son fouet le cou d'un ennemi pour mieux l'empaler sur une lance incrustée.
2) Ma préférée : lorsque Tien Feng et Cheng Pei Pei se battent côte à côte. Tien Feng fouette l'adversaire qu'il affronte, l'envoyant dans l'air, et Pei Pei le saisi aussitôt avec son fouet en plein vol et tire dans la direction opposée. La jambe du mec s'arrache dans un sens et le reste de son corps s'envole vers l'autre. Une fatality Brutality digne d'un bon jeu vidéo Mortal Kombat !
Le sabre est également mis en valeur avec les acteurs Yueh Hua et Ku Feng entre autres, qui font une belle démonstration de leur lame.
Le scénario sans être exceptionnel s'avère suffisant pour ne pas dénaturé l'expérience, même si je regrette un relâchement sur la fin. Il est tout de même triste de constater que le réalisateur de L'Ombre du fouet n'a pas réussi à totalement exploiter le potentiel de sa fiction. Comme souvent dans ce genre de production l'intrigue est convenue, mettant en avant la vengeance. Néanmoins, il est intéressant de voir un récit essayant de jouer avec ses énigmes, conférant une part de mystère autour du véritable coupable des événements, même si on finit par deviner assez facilement sur la fin qui il est.
Je regrette une abstinence de mise en scène inventive autour des scènes plus posées, même si la photographie reste de qualité. Toutefois je retiens l'excellente scène d'ouverture avec un mise en scène rappelant un bon vieux Western. Les décors enneigés sont superbes, par ailleurs le film a été tourné au Japon ne neigeant pas à Hong Kong, conférant une atmosphère particulière à l'oeuvre, surtout pendant les nombreuses scènes de déplacement à cheval où l'on entend le vent glacial et meurtrier du froid, sifflant la solitude de ce paysage blanc et austère, d'où aucune vie ne semble émerger.
Les musiques sont tout bonnement géniales ! Composés par Wang Fook-Ling et Tomas Chow, tous deux parviennent magnifiquement à accompagner les différentes séquences par des partitions superbes. On a même droit lors de la scène d'ouverture s'ouvrant sur le magnifique paysage enneigé à une merveilleuse chanson folklorique, où l'on voit un homme du nom de Nigaud chanter tout en conduisant sa caravane. Tout ceci contribue à l'efficacité de certains moments et collabore à rendre une atmosphère particulière.
Les acteurs portent avec efficacité le long métrage, avec en tête de liste Cheng Pei-Pei (L'hirondelle d'or, les griffes de Jade...) dans le rôle de Yang Kai Yun. Elle incarne une jeune femme au caractère bien trempé, naïf, vulnérable et agressif. Si physiquement elle paraît inoffensive, en elle se habite le feu d'un dragon prêt à craché ses flammes. La comédienne capte entièrement l'attention, surtout durant les phases de combat où elle propose une manipulation du fouet pour le moins accrocheur. J'aime beaucoup le costume pour son rôle avec son chapeau de fourrure blanche. Il est par contre bizarre de ne pas la voir retirer au moins une fois son chapeau.
Yueh Hua (Le poignard volant, les 3 royaumes...) alias Wang Jianxin est un habitué des films d'arts martiaux, toujours aussi fringant et raffiné avec son regard perçant, il apporte une touche brutale à l'esprit vif de l'héroïne. Ses talents de bretteur ce mêle subtilement au fouet de Pei-Pei. Le reste du casting reste de qualité, Ku Feng à la gueule de l'emploi et je dois reconnaître que son introduction est classe vu qu'il ne laisse aucune trace de pied dans la neige alors qu'il marche dessus. Il est également toujours plaisant de voir en action le comédien Tien Feng pour Fang Chengtian qui est une tête d'affiche majeure de la Shaw.
- Premièrement : les accélérations rapides de l'image par la caméra durant certaines chorégraphies qui sont trop visibles. Je suppose que c'est fait pour dynamiser les scènes mais c'est trop visible et devient inégal.
- Deuxièmement : la révélation du véritable coupable. Si durant les trois quarts du film le secret est à peu près bien gardé, l'ont finis par saisir le pourquoi du comment à la révélation de certaines choses. On vient à ne pas comprendre comment le personnage Fang Chengtian n'a pas réussi au cours de toutes ses années à comprendre qui était le véritable coupable. En cela le méchant est piégé bien trop facilement, la ruse était grossière et pourtant elle a fonctionné.
- Troisièmement : le final, qui est bien en dessous de ce que l'on pouvait espérer. Un duel final trop inégal qui n'apporte aucune tension, si ce n'est de l'incompréhension pour un tel choix scénaristique. C’est un peu dommage que Pei Pei ne fasse pas l'ultime confrontation seule contre le grand vilain. Elle n'aura même pas le droit de lui porter le coup de grâce.
CONCLUSION:
L'Ombre du fouet est un film pourvu de certains défauts assez grossier qui auraient pu être facilement évité, néanmoins le récit peut se reposer sur ses comédiens avec en tête de liste l'actrice "Cheng Pei Pei" qui impressionne et déroute par l'utilisation de son fouet. Bien que frêle et assez clichés dans son contexte, l’histoire est intéressante et le changement de décors avec cet esprit hivernal, confère au film une dimension particulière. On pourra toujours se régaler sur le spectacle où des hordes de sbires sont envoyées, démembrées et tranchées à mort par Pei-Pei et sa clique. Le tout servis par une bande son géniale.
Une oeuvre surprenante que je recommande pour les admirateurs de la Shaw Brothers.
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Créée
le 9 déc. 2018
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le 16 févr. 2016
Le film est moyen, mais Cheng Pei-Pei est toute mignonne avec son bonnet en fourrure.
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