Claude Brasseur, comme bien souvent irréprochable et formidable dans un rôle phare, charnière, de sa carrière d'acteur.
Jacques Dutronc, étonnant, maîtrisant parfaitement son jeu et donnant ainsi à son personnage une épaisseur, une consistance fascinante.
Nathalie Baye enfin, interprétant le principal rôle féminin avec beaucoup d'aisance et ce petit rien de spontanéité qui faisait d'elle, à juste titre, l'actrice qui monte.
Ce trio prestigieux domine le second film de Jean-Louis Comolli. Une oeuvre à l'image de son auteur, engagée... Même si ce qualificatif s'est trop galvaudé. Film politique ? Trop simpliste comme classification. Comme l'a précisé Comolli lui-même : plutôt un film d'action dans lequel l'aspect politique occupe la place prépondérante.
L'action se situe en 1937. En Espagne, les troupes républicaines et franquistes ensanglantent de puis déjà des mois la terrible Guerre civile. La bataille de Madrid fait rage. Ne pouvant pas intervenir directement dans ce conflit, l'activiste Union soviétique n'en a pas moins choisi son camp. Celui des Répiublicains, qui se battent au nom de l'idéal socialiste.
Un clandestin trafic d'armes est mis en place sur une grande échelle, avec le sud de la France comme logique plaque tournante. Par idéal, par conviction, Anton (Brasseur) et Léo (Dutronc) jouent un rôle déterminant dans le réseau. Des soldats de l'ombre... de couleur rouge en l'occurrence. Au nom de grandes idées telles que la croyance en une Internationale prolétarienne, l'indispensable avènement du Socialisme partout en Europe...
La vie tient beaucoup à ça : "L'important, c'est d'aimer"... croire ! Et ces deux-là y croient vraiment !
Puis les évènements se précipitent, se dégradent en U.R.S.S. Vagues d'arrestations arbitraires, procès-mascarades expéditifs, exécutions multiples... Les effroyables purges staliniennes sont à l'oeuvre et leurs ondes de choc au niveau international vont peu à peu s'intensifier. Des membres du réseau disparaissent mystérieusement. Puis, un ordre péremptoire vient de Moscou : convocation, sans explication, de la majeure partie des membres en poste eu Europe.
Anton est de ceux-là. Mais lui a compris. Il refuse d'obtempérer. Et tente d'éclairer Léo, auquel il est lié par une vielle amitié : "Tu ne comprends donc pas que mon procès est déjà fait ; que le jugement est déjà rendu !". Léo, homme de parti, tergiverse. Puis, remettant en cause petit à petit ses convictions, devient la cible d'agents soviétiques lancés à ses trousses.
Au niveau de la direction d'acteurs, Jean-Louis Comolli a parfaitement concrétisé ce qu'il voulait. En ce sens que l'on voit ses personnages évoluer psychologiquement en fonction des évènements. D'abord, le militantisme pur et dur, l'obéissance aveugle au Parti. Puis arrive le douloureux tournant de la remise en question, du doute. Et enfin, le face à face avec le destin, la rupture avec tout passé, une tranche de vie.
Brasseur et Dutronc n'ont pas fait qu'apporter leur notoriété pour aider Comolli à monter son film pas vraiment déclic de producteur ! Ils ont surtout apporté leur immense potentiel de création. Dans des registres différents, complémentaires, mais avec surtout le même talent d'adhésion, de conviction, d'incarnation.
Pour les acteurs aussi, vis-à-vis du sujet d'un film, "l'important c'est d'aimer"... y croire !