Et voilà, ça y est, la boucle est bouclée ; c'était mon dernier long métrage de Chaplin. Un certain entrain qui jusqu'alors me caractérisait est désormais en passe de s'éteindre. C'est pour ça que je repoussais le visionnage de "L'opinion publique", que j'avais sous la main depuis fort longtemps.
Et aussi, ne nous le cachons pas, parce que j'avais peur d'être déçu, de m'ennuyer, oui, oui, Chaplin n'étant pas, comme vous le savez, devant la caméra, "seulement" derrière (et à la prod, au scénar, à la compo. Tranquille.). Et, bon, je n'ai pas honte d'avouer qu'il y a toujours chez moi cette appréhension avant de découvrir un muet, pourtant rapidement balayée la plupart du temps, du cliché muet, la peur du roulement d'yeux trop appuyé.
Balayé encore une fois, presque à la vitesse de l'éclair. Dans cette histoire de deux amoureux ne pouvant vivre une idylle à cause de leurs parents respectifs, la sobriété est de mise, en premier lieu chez les acteurs. Première muse de Chaplin, Edna Purviance, après avoir joué dans une foultitude de ses courts, tient probablement ici son rôle le plus prépondérant et s'en sort correctement. En face d'elle c'est Carl Miller, plus ou moins inconnu mais qui fait le job. Aldolphe Menjou surtout, aristocratique du fond des yeux jusqu'aux pointes des moustaches.
Le scénario est classique, simple mais remarquablement bien dosé, pour un réalisateur jusque là étiqueté uniquement comique (le public boudera d'ailleurs le film) s'essayant pour la première fois au drame, et faisant montre de beaucoup de maturité.
Le ton dramatique est contrebalancé par des scènes plus légères : les sauteries de la haute, les restos, que le réalisateur excelle toujours autant à mettre en scène. Une volaille très faisandée, un insert croustillant sur les truffes.
La musique, composée par Chaplin, enrobe merveilleusement bien l'ensemble. On échappe au piano souvent exténuant qui accompagne nombre de muets et à la place on a un très chouette air de violons que j'ai toujours en tête depuis, des passages jazzy et tout !
Et une fois n'est pas coutume, la fin est superbe. Je crois que c'est peut-être le meilleur pour les fins, Chaplin. (En deuxième je mettrais Herzog).
Pour tout le reste aussi d'ailleurs. J'entends des échos de voix, loin d'être isolées, criant à l'hypocrisie, au calcul. Tant pis pour eux. Quel plaisir, cette simplicité ! Quel trésor, cette émotion ! Moi je suis dans ma tour imprenable, je pourrais me passer des Chaplin en boucle jusqu'à la fin, et mourir heureux.
Ça tombe bien parce que maintenant que je les ai tous vus, je ne sais plus trop quoi faire, dans la vie...
Heureusement il reste tout de même deux ou trois obscurs courts, que je vais m'empresser de ne jamais trouver.