L'italien Andrea Segre fait partie de ces cinéastes qui inlassablement questionnent notre monde, montrant les failles et les dysfonctionnements d'un système où les pays les plus riches s'unissent face à la peur de l'envahissement par les citoyens des plus pauvres. Reconnu pour ses documentaires, il a tourné 4 fictions dont les thématiques rejoignent ses préoccupations, notamment le magnifique La petite Venise et La prima neve, inédit sur nos écrans. L'ordre des choses, qui raconte comment les autorités européennes tentent de juguler les flux migratoires à partir de la Libye, quitte à s'allier avec des trafiquants, n'a fait qu'anticiper une situation désormais avérée. Cet impérialisme de la vieille Europe et ce cynisme sans états d'âme est incarné dans L'ordre des choses par un policier consciencieux qui devra faire des choix d'un froid réalisme dans le respect de son intégrité même si au détriment de son éthique. Un beau personnage dont le scénario nous montre les différentes facettes, y compris à travers sa vie de famille, interprété par un Paolo Pierobon impeccable, aussi remarquable qu'aurait pu l'être un Toni Servillo. Avec patience et minutie, le film démonte des mécanismes complexes, ne surchargeant jamais son message politique, l'imprégnant d'humanisme avec une rare subtilité. L'ordre des choses se mérite, il n'a rien de spectaculaire mais en dit beaucoup sur un monde qui va bien mal, obnubilé par le maintien d'un statu quo dans un équilibre précaire qui ne tient pas compte des évolutions de fond et se sert de la détresse d'une partie de la planète pour imposer la loi du plus fort. Mais jusqu'à quand ?