L'ordre et la Morale est certainement un aboutissement dans la carrière de Kassovitz qui retrace sans emphase les évènements terribles de la grotte d'Ouvéa. Le film reprend les schèmes des docu-fictions en apportant sa part de subjectivité par le biais de Legorjus.
Le film est déjà une superproduction à la sauce française avec des moyens mais surtout des ambitions cinématographiques. En effet, contrairement à la Haine qui optait pour un point de vue esthétisé voire poètique, les moyens employés sont de l'ordre de la reconstitution historique. La seule absence majeure de ce film demeure la Nouvelle-Calédonie et les îles Loyautés comme quoi certains sujets sont encore trop polémique pour les aborder in situ.
L'autre intérêt du film est principalement du à sa narration effectuée autant par le personnage que l'implication du réalisateur. La situation ubuesque des faits s'oppose au regard mélancolique du personnage qui s'implique davantage au cours du film alors que les évènements devraient le conduire à se mettre en retrait.
J'ai vraiment apprécié ce film qui traite d'un sujet difficile, le colonialisme français, en donnant la parole (valeur maitresse de la coutume kanak) aux protagonistes. Je regrette le choix stratégique d'avoir sorti le film dans les grandes salles (et non pas aux CNP). Je regrette d'autant plus que ce film ne connaitra pas sa notoriété en France, pays qui n'arrive pas à gérer son "passé" coloniale (voir les films sur la guerre d'Algérie) et n'a certainement pas donné lieu à des projections dans les écoles. La rancoeur est vivace dans le Pacifique et les gouvernances de Jacques Lafleur ou Gaston Flosse n'ont pas arrangé les choses.