Cinéaste phare du néo-réalisme à la sauce tchécoslovaque, Štefan Uher se penche avec son 3ème film sur une réalité que l'histoire officielle a tenté d'effacer au profit de l'héroïque "soulèvement national" de 1944. Celle de la vie quotidienne des petites gens dans un Etat qui s'arrange alors en âme et conscience avec le nazisme.


Un déserteur polonais trouve refuge dans un monastère slovaque, dont l'abbé ne tarde pas à remarquer les dons d'organiste du jeune homme. Celui-ci devient rapidement l'organiste officiel de l'église du village et éveille autant l'émerveillement des uns que les rancoeurs des autres.


A partir de cette idée simple, Uher brode une merveille de réflexion sur la place de la beauté et de l'art dans la société. La psychologie ambiguë des différents villageois laisse apparaître toute la complexité de l'âme humaine, ainsi que son incapacité à tutoyer l'harmonie qu'appelle cette fameuse "beauté divine" invoquée tout le long de L'orgue. Selon le scénariste Alfonz Bednár, le film montre ainsi "qu'il est dangereux de détruire la beauté en l'homme et parmi les hommes". Une phrase résumant on ne peut mieux l'état d'esprit de L'orgue, qui montre à quel point le pouvoir peut vider l'art de sa beauté (la scène du discours qui vient peu à peu prendre le pas sur la musique).


Ironie du sort, L'orgue a été interdit durant plus de 15 ans en Slovaquie. De quoi expliquer encore un peu mieux l'oubli progressif dans lequel a sombré injustement le film. Novateur sur le fond, Uher exprime également une profonde sensualité dans ces lents panoramiques appuyés par un noir et blanc somptueux et les enivrantes compositions "organiques" de Bach. Son film regorge de jeux sur les plans de l'image, s'amusant notamment avec les lignes verticales de l'orgue qui semblent s'étendre à l'infini.


Pas forcément un chef d'oeuvre, mais une oeuvre importante, envoûtante, complexe et pertinente qui mérite bien mieux que cette absence totale d'attention accordée depuis des années au cinéma slovaque.

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le 7 juin 2017

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