Après l'Heure de la sortie, Sébastien Marnier brosse un nouveau portrait de groupe d'une société cruelle et égoïste.
Au sein d'une demeure luxueuse, il prend comme prétexte l'arrivée d'un élément extérieur pour dénoncer la grande bourgeoisie, son appétit de consommation et ses secrets de famille. Stéphane, une modeste ouvrière un peu naïve, vient retrouver son père, un riche homme d'affaires autoritaire et paternaliste, qu'elle n'a jamais rencontré. Le prénom de Stéphane et le portrait à charge de la bourgeoisie nous font penser à une certaine parenté avec Claude Chabrol et à sa férocité sur le monde de l'argent.
Le spectateur est sollicité en permanence sur l'identité réelle des protagonistes à travers un jeu de faux-semblants, de nombreux rebondissements et des dialogues percutants qui n'empêchent pas un certain humour noir au sein du drame. Techniquement la photographie est soignée, la décoration intérieure a été étudiée avec le soucis du détail: à titre d'exemple trois stagiaires ont été embauchés rien que pour coller les étiquettes de chaque cassette du mur de cassettes vidéo que l'on voit dans une scène. Le procédé qui n'est plus guère employé du split screen vient souligner la solitude des différents personnages, ou leur complicité. Les split screens et les faux semblants nous amènent du côté de Brian de Palma, pour évoquer l'art du mensonge.
Le casting a été particulièrement bien choisi autour de Laure Calamy pour Stéphane qui prouve une nouvelle fois qu'elle est une grande actrice dans un rôle décalé par rapport à ses emplois habituels. On ne présente plus Jacques Weber très convaincant dans le rôle du patriarche ou Dominique Blanc, brillante dans le rôle de son épouse fantasque et acheteuse compulsive de produits onéreux. Doria Tillier, l'autre fille du couple, est dans un rôle inhabituel pour elle de femme d'affaires dure et cassante. Le reste du casting est choisi en pertinence avec l'atmosphère inquiétante.
A l'heure où on parle souvent non sans raisons de l’effondrement du cinéma français, Sébastien Marnier nous apporte un démenti cinglant. Servi par une belle distribution l'Origine du Mal nous force en outre à réfléchir sur le sens de son titre. L'argent et le mensonge sont parmi les pistes proposées pour nous faire remonter aux origines du drame final.