Après Irréprochable et le monde du travail, l'heure de la sortie et la menace écologique, Sébastien Marnier filme la sororité radicale face à la main mise patriarcale renvoyant la balle aux femmes qui en deviennent les nouvelles prédatrices. L'origine du mal, sa reprise en main et sa répétition, hommes femmes confondus dans la même quête de pouvoir.
Marnier axe son récit sur la personnalité de Stéphane et nous dirige dans sa déclinaison par le seul regard de celle prête à tout pour reprendre la place qui lui est due. En galère sociale Stéphane décide de retrouver le père qu'elle n'a pas connu. Usant de stratagème elle sera propulsée dans la vie rêvée de sa nouvelle famille bourgeoise avant d'en deviner les contours peu réjouissants pour mieux y prendre sa place. Acceptée rapidement par cet homme bienveillant, rejetée par le reste de la famille mais débordante d'empathie, le réalisateur opte alors pour les multiples retournements de situations à dessiner ce microcosme dysfonctionnel et les dangers latents. Une caricature souvent jouissive de l'hypocrisie des échanges où tous contribuent par leur comportement à nous interroger constamment, quitte en fin de partie de précipiter ses révélations et coup sur coup, pour mettre un frein à la jubilation, tout comme la grande facilité d'une fuite qui relève de la pure fiction qui frustrera, tant le choc d'une violence extrême et inattendue qui la suit, se trouve avorté en dernière ligne droite pour un final qui rentre dans les clous.
On appréciera alors la première partie de ce jeu de massacre pour un suspense efficace. Tout comme les éléments introductifs trouveront leurs réponses au fil de l'histoire, l'affiche est trompeuse pour revoir à la baisse l'idéal familial et tendre vers le thriller psychologique. Un exercice de style à nous faire prendre des vessies pour des lanternes, pour un jeu de dupes dont on ne sait quel est le plus dangereux d'entre tous.
La mise en scène en décalage entre luminosité de façade et noirceur des caractérisations renforcée par des intérieurs outrés, introduit ses personnages, leurs évolutions et leurs conflits par quelques scènes à la théâtralité assumée, soutenue par deux de ses acteurs, Dominique Blanc et Jacques Weber. Personnage à part entière, la demeure loin d'être accueillante, étouffe et enferme ses locataires, quand la verve cinglante d'une matriarche enjouée fait des ravages et assure le décalage et que le patriarche malmené décline un personnage trouble à souhait, de plus en plus imposant, qui confère à la prédation mondaine et au piège dans lequel tombe Stéphane. Avant que le fin mot de l'histoire nous soit révélé.
Laure Calamy est d'une sobriété inquiétante, Suzanne Clément au rôle musclé détonne, Dora Tillier nous assure que la fin justifie les moyens et Véronique Ruggia, la gouvernante qui n'a de cesse de conserver le semblant de son utilité, révèle l'envers du décor.
Comme ses deux précédents films, S. Marnier détourne des sujets d'actualité pour suivre les fluctuations et la complexité de ses personnages, même si on regrette que sa ligne jusqu'au-boutiste s'avorte d'elle-même, un jeu de massacre toujours plaisant dans l'univers français.