Habitué à la comédie réalisée par les autres, Laurent Lafitte décide, pour ses premiers pas derrière la caméra, d’adapter une pièce au postulat pour le moins audacieux et improbable. Lancé par une coach holisitique dans la quête d’une photo du sexe de sa mère afin de voir son cœur battre à nouveau, son personnage va mettre en place toutes les stratégies possibles en œuvre, tout en s’interrogeant de temps à autre sur le caractère absurde et psychanalytiquement embarrassant de la situation.
Le principe consiste donc à mélanger plusieurs sous-branches du comique : la satire bourgeoise, pour commencer, monsieur vivant en couple sans enfants dans un appartement cossu et saturé d’objets luxueux, auprès d’une épouse qui feint l’orgasme et cherche dans les huiles essentielles du sens à l’existence. Son amitié avec un vétérinaire (qui sera l’occasion de nous présenter un Vincent Macaigne sans barbe, voire sans slip) occasionne elle aussi des remarques bien senties sur l’air du temps, le politiquement correct et les pensées racistes sommeillant en chacun de nous, avant que le conte fantastique et le non-sens ne s’invitent dans cette médiocrité confortable.
Pris isolément, tous ces fragments fonctionnent pour la plupart, avec un talent souvent manifeste : les comédiens sont excellents (Lafitte entre maîtrise et hébétude, Viard entre lucidité et hystérie contrôlée, Macaigne entre timidité et révolte), les dialogues bien sentis et la réalisation efficace. On saura gré à Lafitte d’oser aller aussi loin que son sujet l’exige, et de prendre à bras le corps les thématiques les plus acides ou embarrassantes. Un certain nombre de scènes témoignent ainsi d’un véritable sens du comique de situation (le personnage de Macaigne invité chez la mère 30 ans après, la fête des voisins), des répliques font mouche (le chat et son syndrome de Stockholm, l’hypocrisie générale sur les rapports interfamiliaux) et on ne peut que se réjouir de voir investis des territoires généralement soigneusement évités.
Mais c’est bien là que le projet trébuche : en jonglant avec le sadisme psychanalytique et la vulgarité la plus explicite, le récit joue aux montagnes russes, et ne parvient à pas à trouver un équilibre. Le potache le plus franc, qui semble convoquer les Frères Farelly ou l’Ozon première période, côtoie ainsi un goût de l’absurde beaucoup plus raffiné, sans qu’on sache jamais à quelle tendance s’en tenir. La gêne n’est donc pas toujours du même ordre : tantôt, assez savoureuse, à l’égard de la situation, tantôt d’avantage pour le film qui se prend les pieds dans le tapis (persan) par un comique de geste des plus rudimentaires. Les tentatives assez laborieuses de donner du sens à la situation sur le final (les aveux successifs de la mère, la réconciliation promise pour le couple) laissent à penser que la convention l’emporte, et que tout cela n’aura été qu’une blague balourde offerte par un prétexte improbable. C’est regrettable au vu des talents qui étaient mobilisés pour nous la raconter.
(5.5/10)