Nouvelle vague punk.
Quelle énergie qui parcourt ce petit film québécois! Dès les premières images qui montrent des instantanés de la vie montréalaise underground des années 90 sous pires travers (entre sexualité...
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le 23 mai 2024
Quelle énergie qui parcourt ce petit film québécois! Dès les premières images qui montrent des instantanés de la vie montréalaise underground des années 90 sous pires travers (entre sexualité sauvage, toxicomanie et itinérance) et filmées comme le Guy Ritchie survolté des débuts, on est mis dans le bain. On plonge instantanément dans la vie d’une famille pauvre d’un quartier populaire de la ville, Hochelaga. Dès lors, on suit les traces du jeune fils, bizarrement baptisé Delfils. Cancre, impertinent, vulgaire et mal élevé, cet adolescent turbulent va fuguer et être accueilli par une bande de punks bienveillants tandis que ses parents luttent entre la protection de l’enfance ou la prison. Une fois passée l’introduction en couleurs et que cet électron libre se baptise lui-même L’Ouragan, le film du même nom bascule dans un noir et blanc poussiéreux de toute beauté. Certes pas vraiment utile, cet effet de style n’en demeure pas moins flatteur à l’œil et nous réserve de très beaux plans et une œuvre esthétiquement aboutie et unique.
On oscille ici entre chronique citadine et récit initiatique en marge de la société pour la partie avec Delfis (jouée avec fougue et intensité par le jeune Justine Labelle) et le drame social pour celle avec ses parents sous fond de pauvreté, d’alcoolisme et d’abus conjugal. Les deux segments sont réussis et semblent complémentaires au début. Mais le montage en alternance et tout simplement le mélange des tonalités est parfois hasardeux et déconnecte les intrigues l’une de l’autre plus « L’Ouragan F.Y.T. » avance. Comme si Ara Ball n’avait pas su choisir quel film il voulait faire, quel sujet il préférait traiter en priorité et qu’il avait décidé de joindre les deux en un seul. On retrouve aussi les défauts inhérents aux premières ou secondes œuvres dont un plutôt courant: le film est bien trop long. En effet, une heure et cinquante minutes pour une telle histoire c’est beaucoup trop et on n’évite pas ici les scènes inutiles ou les redondances. Ensuite, le script est très mince et finit par tourner en rond au risque de nous désintéresser, ce qui rejoint le point précédent. Enfin, les incursions où on brise le quatrième mur sont tantôt pertinentes, tantôt fatigantes et agaçantes.
Il n’empêche, « L’Ouragan F.Y.T. » est une œuvre à nulle autre pareille dans le paysage cinématographique actuel du Québec. On a d’ailleurs l’impression d’être cinquante ans en arrière à l’époque de la Nouvelle Vague ici sur la forme comme sur le fond. On sent la volonté d’essayer quelque chose de différent mais sans jamais être ronronnant, opaque ou hermétique à son public. On n’est pas dans le film d’auteur chiant et prétentieux en somme. Il y a même une forme de poésie rebelle et punk bienvenue qui se dégage du film. Les séquences avec la bande de marginaux qui accueille Delfils dans La Grotte sont funs et bigarrées. Et, d’un autre côté, celles avec la mère, jouée par une admirable Larissa Corriveau, sont émouvantes et captivantes, comme parfumées au drame social à la Dardenne avec un côté un peu décalé. Bref, ce n’est pas une œuvre parfaite, loin s’en faut, mais il se dégage quelque chose d’unique et de talentueux ici qui donne envie d’attendre la suite. Et de découvrir ce Montréal interlope du début des années 90 est un délice.
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le 23 mai 2024
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