Money Monster
Il a du nez, Christophe Barratier. Sur les marchés, de plus en plus souvent de films sur l'économie mondialisée. On pensait le voir venir de loin, le petit malin, et recycler son succès sur un air...
le 22 juin 2016
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Il a du nez, Christophe Barratier. Sur les marchés, de plus en plus souvent de films sur l'économie mondialisée. On pensait le voir venir de loin, le petit malin, et recycler son succès sur un air bien connu, en forme de rengaine :
♫ Vois sur ton chemin, milliards envolés, égarés !
Tire sur ton cigare avant de voir ton pognon qui se barre !
Les traders, c'est la liiiieeee,
Les banques c'est l'mal,
Les traders, c'est la liiiieeee,
L'marché va mal... ♫
Sauf que L'Outsider, s'il prend comme toile de "fonds" l'une des expressions les plus monstrueuses du capitalisme sauvage, c'est, avant tout, le portrait d'un homme fasciné. Spectateur puis peu à peu acteur de l'effervescence, qui se prend rapidement au jeu dans un tourbillon, comme celui qui contracte la chance du débutant au casino. C'est que Christophe Barratier, à l'opposé de ses Les Choristes ou Faubourg 36, remet en perspective sa vedette au coeur de la frénésie et de la folie des échanges de capitaux dématérialisés qui se résument ici à des plans serrés sur l'horloge, des chiffres incroyables et des gros plans sur un écran d'ordinateur. Et, de manière incroyable, il suffit de cela à Christophe Barratier pour susciter l'intérêt et faire monter le stress, afin de traduire la tension, les shoots d'adrénaline que tous ces traders ressentent sans doute quand ils réussissent un gros coup.
En résumé, L'Outsider apporte au spectateur tout ce que dont le récent The Big Short : Le Casse du Siècle, manquait à mes yeux : Une incarnation, une chair. Ainsi qu'une absence de cynisme salutaire. Et aucune de ces poses pseudo-cools un brin agaçantes, aucun de ces clins d'oeil trop appuyés à destination du public ou de ces vulgarisations so fun et un brin je m'en foutistes. Nul besoin, pour Barratier, d'expliquer ses effets pour scotcher son public. La mise en scène des débordements les plus communs, de cette course perpétuelle au profit, de la performance à outrance, de la dérégulation reine, suffit bien largement, sans pour autant noyer celui qui a payé sa place dans un sabir économique qu'il aura oublié dès la sortie de la salle.
L'Outsider emprunte aussi dans sa construction et sa montée dramatique des accents de thriller salutaires qui permettent au réalisateur de son suivre son Jérôme Kerviel au quotidien, dans ses coups de génie ou ses positions visionnaires. De le suivre en train de perdre pied aussi, une fois coupé des éléments qui l'ancrait dans une certaine réalité, sa famille, son cercle d'amis qui se restreint peu à peu aux collègues de son board. Une fois isolée, la grenouille se rêve aussi grosse que le boeuf, dans une course dévorante du chiffre. Pour l'accompagner, un mentor aux allures de Dr Frankenstein incarné par un Xavier Demaison excellent, qui n'a pas besoin de parler pour traduire son effroi devant le Money Monster qu'il a créé en citant la Bible. Car livré à lui même, Jérôme Kerviel se perd dans les impasses qu'il s'est construites dans sa fuite en avant. Personnage sensible qui disparaît peu à peu sous la pression, qui dissimule, qui manipule, qui a de plus en plus en mal à sortir la tête de l'eau.
Malgré un léger ventre mou dans son deuxième tiers, L'Outsider culmine dans un final aux allures de garde à vue, d'interrogatoire judiciaire hypocrite qui recentre subitement le propos sur la responsabilité d'une hiérarchie qui a fait semblant de ne rien voir. Des pdg qui jouent les surpris, malgré les alertes, quand leur pion était encore une cash machine. Absence de contrôle, de régulation, si Kerviel a été emporté de manière consciente dans la folie des chiffres élévés au rang de non sens absurde et de réalité viciée, L'Outsider est aussi le constat d'une faillite collective que l'affaire devenue célèbre n'a fait que mettre en lumière, tout comme la promptitude des puissants à donner en sacrifice un bouc émissaire, un visage qui cristallise les rejets massifs des dérapages d'un système cannibale, la rapidité d'une banque à se désolidariser d'un collaborateur alors qu'en début de film, l'esprit d'équipe est érigé en culture d'entreprise.
Le vent tourne rapidement.
Behind_the_Mask, la banque d'un monde qui change...
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le 22 juin 2016
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