C'est via le cinéma que j'ai connu le monde de la finance, en regardant des grands classiques comme Wall Street d'Oliver Stone ou en passant par des films plus discrets comme Les Initiés de Ben Younger . À l'instar des films de gangsters, j'ai donc été très vite fasciné par ce monde ou l'argent coule à flot, un univers qui lui est légale, mais complètement immorale.
Lorsqu’en 2008 l'affaire Kerviel a éclaté au niveau national et mondial, je m'y suis naturellement intéressé en suivant régulièrement les dernières nouvelles concernant ce trader qualifié comme "L'ennemi Public n°1" de la finance. Alors qu'un film a été annoncé et que j'ai découvert par la suite la bande-annonce, il était évident que j'irai en salle le découvrir. En attendant sa sortie, je me suis replongé dans l'affaire en relisant les articles, en visionnant les reportages et les interviews des deux parties concernées et j’ai relu pour la seconde fois L’Engrenage : mémoires d'un trader ( que je recommande), le livre écrit par Jérôme Kerviel qui a servi d'inspiration pour L'outsider. Alors que vaut réellement cette adaptation cinématographique ? Plongeons ensemble dans l'univers des salles de marché pour en avoir la réponse.


Autant vous le dire tout de suite, ce que montrait le trailer de L'outsider, c’est-à-dire une espèce de remake français du Loup de Wall Street avec des similitudes en terme d'ambiance, de musique et de personnage ( François-Xavier Demaison en Mcconaughey) est en fait complètement éloigné de l'histoire raconté par Christophe Barratier. Ce qui n'est pas pour me déplaire, car l'une de mes craintes était justement que le sujet soit traité avec légèreté. De plus, nous n'avons pas les mêmes excentricités que les Américains et sommes moins "bling-bling".
Voilà donc le premier point positif non-négligeable, contrairement à des films français comme Le Capital ou Krach, L'outsider a sa propre identité, il n'essaye pas de copier ses prédécesseurs outre Atlantique. L'œuvre reste au maximum fidèle à son personnage principal et le secteur dans lequel il exerce son métier de trader. On oublie donc les répliques mémorables à la Gordon Gekko du genre " Si tu veux un ami, achète-toi un chien"



I. Un scénario proche de la réalité



Le réalisateur ne va pas traiter de l'affaire en elle-même, mais du parcours du jeune courtier. De sa prise de fonction en 2000 dans le service du Middle Office de l'entreprise (une sorte de service de secrétariat pour les traders) en passant par sa montée en grade en tant qu'assistant trader et enfin jusqu' à sa fonction de trader. Christophe Barratier va prendre le parti scénaristique de recréer l'ascension et la chute de son personnage puisque le film s'arrête là ou "L'affaire Kerviel" commence. Il va donc évoquer la psychologie et la personnalité de son protagoniste, sans tomber dans le manichéisme outrancier ou Kerviel seraient la victime et la Société Générale les coupables.
On y découvre comme dans le livre une personne fidèle et discrète avec des valeurs simples, ambitieuse en termes de carrière, pas forcément en termes d'argent. Désireux de faire son travail du mieux possible, parfois avec zèle pour être à la hauteur de la tâche qui lui incombe et de ses autres collègues.
On constate d'autant plus qu'il a un esprit d'équipe, une qualité qui est totalement en opposition avec le métier qu'il exerce. N'hésitant pas lors de son premier gros gain en "spiel" (ce sont des opérations de spéculation sur la hausse ou la baisse du marché. Une pratique interdite mais tolérée par la hiérarchie) à donner une partie de la somme à son supérieur pour couvrir ses pertes.
Le spiel est d'ailleurs ce qui va faire de Kerviel une "cash machine ", "une gagneuse", c’est aussi ce qui va causer sa perte. Une pratique qui permet aux traders de compenser leurs éventuelles pertes avec une limite de "pari". La banque demandant aux employés d'atteindre les objectifs et



de sortir des sentiers battus.



Jérôme va faire de la spéculation sa principale activité. Son premier gros coup a rapporté 500 000€ en 2005 lors des attentats de Londres en pariant à la baisse sur Allianz Assurance. Cet évènement a eu deux effets sur lui, le premier étant évidemment la joie d'avoir fait gagner autant d'argent à son employeur, la seconde est la honte et le dégout d'avoir fait un aussi beau score sur le malheur des gens.
Cet exploit n'est que le premier d'une longue série, mais qui auront au final des répercussions dramatique, le trader est devenu complètement accro, à l'adrénaline que ça procure, au gain que ça rapporte. Il est devenu un joueur compulsif, pour qui parier des millions voir des milliards d’euros ne signifie plus grand-chose. En façade, il est un professionnel de la finance, mais le système a fait de lui un joueur virtuel qui a dans le cadre de sa fonction a perdu toute perception de la réalité.



II. Des acteurs à la hauteur mais une écriture qui comporte quelques fissures



Pour incarner le courtier, le choix de Christophe Barratier s'est arrêté sur Arthur Dupont. Il interprète avec brio son rôle, ne cherchant pas à être une copie physique de Jérôme Kerviel, mais simplement à retranscrire son évolution psychologique. D'ailleurs à propos de son physique, il s'y dégage une sorte d'innocence, de par son regard ou son intonation de voix, on a affaire à une personne discrète, presque chétive, principalement lorsqu'il n'est pas encore au poste de trader, il est considéré comme un bleu, bizuté par ses collègues ( dans le livre, c'est un des collègues de Kerviel qui était victime de bizutage), jusqu’à qu'il fasse ses preuves et devient respecté et plus encore en étant la star de son service.
Cependant, je reprocherai à l'écriture de son rôle une prise de liberté un peu trop excessive quant à la partie ou son personnage est à son sommet se faisant appelé "boss" par son assistant trader ou en draguant de façon déplacée. De ce que j'ai compris en lisant le livre, Kerviel avait changé dans sa façon d'aborder son travail, mais pas en dehors de la salle de marché. Un choix qui a été opté très certainement pour en faire un personnage plus charismatique ou détestable, mais je n'ai pas adhéré à ce manque de subtilité. Pourquoi ce parti-pris alors que l'on voit que même en pleine réussite, il garde une certaine simplicité comme le fait de continuer à prendre le métro pour aller travailler ?


L'autre protagoniste qui se démarque du film, c'est François-Xavier Demaison, totalement crédible dans son rôle de mentor qui va donner à son protégé toutes les ficelles du métier pour réussir. Le fait que l'acteur soit un ancien courtier ayant travaillé à New-York lui donne une aisance et de la justesse à jouer son rôle. Mais là aussi, l'écriture de son personnage pêche à certains moments notamment lors des passages "comiques" qui d'une part ne font presque pas rire ou alors très rarement, mais surtout sont redondant et alourdi la scène inutilement.


Le reste du casting est tenu par des seconds rôles solides très bien dirigés, qui ont pour vocation de non seulement montrer ces différentes personnalités qui courent sans cesse après le gain, de nous montrer également que ce monde est celui des requins. Là encore certains dialogues vont sonner faux, en tout cas un qui m'a particulièrement sauté aux yeux entre le personnage de Kerviel et son supérieur




  • Je ne me laisserai pas parler comme ça, même par un trader

  • Ah ouais, et là qu'est-ce que je viens de faire ?



Cette seconde ligne de dialogue, sonne fausse, et le ton de l'acteur qui la cite n'y est pas pour rien non plus, faisant plus penser à une petite peste qu’à un supérieur hiérarchique charismatique.



III. Des plans et une mise en scène soignée



La première chose qui saute aux yeux et ce dès le début du film, ce sont ces plans de la tour, filmés en contre-plongée pour donner cette impression de grandeur et de puissance, avec le personnage de Kerviel face à elle, ce qui démontre son avancé dans l'échelle sociale, cependant avec le futur qu'on lui connaît, cette tour représente la menace à laquelle il va s'opposer pendant des années et à laquelle il se bat encore aujourd'hui. Le cinéaste à plusieurs reprises la filme comme je le disais donc non seulement en contre-plongée mais aussi en hauteur avec des plans de jour et de nuit, aérien, qui donne une esthétique visuelle très agréable à regarder.


La mise en scène n'est pas en reste non plus et notamment pendant les phases de trading ou celles-ci s’adaptent au rythme frénétique d'un marathon qui débute à l'heure de l'ouverture des marchés et qui ne se termine qu'à sa fermeture sans quasiment aucun break. Le metteur en scène nous montre que c'est un métier ou il faut être réactif et constamment aux aguets et pour cela il a effectué beaucoup de cut et de gros plan sur les écrans, lors de ces phases pour accentuer cette rapidité d'action. Les personnages se déplacent, parlent et agissent donc très vite pour se faire passer les informations, ce qui donne un brouhaha incessant. . On est en plein cœur de la dynamique d'une salle de marché ou tout peut se passer à n'importe qu'elle moment.


Le plaisir quand il gagne, la peur et le stress quand il sent que les positions qui ont été prises ne tournent pas en sa faveur, la colère quand il perd avec les jets de souris, etc… On ressent toutes les émotions qui parcourent un trader durant sa journée de travail.
Le réalisateur nous montre également de très bonne façon la mentalité d'un courtier. Au vu du nombre d'employé dans une banque on pourrait être en droit de penser que l'esprit d'équipe est le maître mot, mais il n'en est rien, ceci n’est qu’une apparence trompeuse. Chaque trader travail de façon individualiste et à comme seul objectif : Le profit personnel et peu importe le reste, le marché n'attend pas, il prédomine sur tout le reste. La scène à l'église nous montre parfaitement cet état de fait.



Conclusion



Pour terminer, malgré quelques défauts au niveau de l'écriture de certains passages ou personnages, L'outsider est un bon thriller financier, une chose assez rare dans le cinéma français, ce qui mérite d’être souligné et dont on redemande. Christophe Barratier nous immerge parfaitement dans ce monde surréaliste en essayant au mieux d'être le plus objectif quant au sujet abordé. Son pari était que le spectateur soit dans la compréhension et non dans l'admiration, celui-ci s'est avéré gagnant !


http://www.senscritique.com/liste/Les_films_sur_la_finance/616688

ChrisTophe31
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le 25 juin 2016

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Chris Tophe

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