Point godwin !
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le 25 mai 2010
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L’ultime souper est un film stimulant qui décide d’opposer la gauche et la droite d’une manière autant comique qu’effrayante en fonction du moment. Tout se déroule autour d’un groupe d’amis colocataires prônant les vertus d’une même idéologie politique. Chaque soir, ils décident d’inviter pour le dîner un représentant de l’opposition et de le tuer.
A bien des égards, l'Ultime Souper est un film qui ne méritait pas de sombrer autant dans l'ignorance des cinéphiles. En effet, les films centrés sur la politique visent rarement l'objectif de la neutralité afin de rester dans une dimension politique totalement nuancée. Si vous êtes un fervent défenseur de l'un ou l'autre de ces mouvements, et que vous vous attendez à un film qui prendra position pour pulvériser vos adversaires, qui légitimera toutes vos idées et toutes vos convictions, partez. L'Ultime Souper amorce le paradoxe qui se cache parmi tous les extrêmes qui n'ont souvent pas conscience d'en être. Je parle de cette mise en lumière de pensées et d'actions qui naissent et s'incrustent jusqu'à devenir réelles et néfastes au point de se transformer très exactement en l'ennemi combattu au départ. Ainsi, l'Ultime Souper développe son duel idéologique à travers des confrontations lucides pour déclencher un déclic chez le spectateur dont le cerveau est bien trop souvent tourné vers la politique. On assiste dès le commencement à des propos haineux, nauséabonds, dénués d'humanité et de moralité au point que le premier meurtre parait au minimum cohérent dans la limite émise par une œuvre de fiction. Mais ce premier meurtre, celui à l'encontre de la pire crapule du secteur, l'être repoussant et propagandiste des pires idées, n'est que la première étape d'une remise en question totale.
La permissivité du crime permet au groupe d'étudiants de s'épanouir et de cultiver leur nouvel appétit de justice. A travers un cynisme monstrueux, ce qui n'était au départ qu'un unique repas du soir à l'issue fatale devient une routine. Chacun se persuadant d'agir pour le bien, le bien étant eux, le mal étant les autres, et cela même si l'acte en lui-même reste le meurtre pur et simple d'une personne bien vivante. A faire justice eux-mêmes, les étudiants pérennisent cette activité criminelle, jubilent même de rendre le monde plus serein avec quelques gouttes de poison dans une boisson. Et quand la personne invitée n'est pas foncièrement mauvaise, apporte des arguments valables, n'est pas le rat propageant la peste comme ils le pensent tous, les étudiants sont toujours convaincus du bien-fondé de la mise à mort.
L'aspect comédie du film permet de voir tout ça d'un ton assez drôle, car après tout le genre de ce film figure bien parmi les comédies. Mais le coup de maître réside dans cette inversion progressive des rôles. Combattre la haine, voilà le credo qu'aurait pu tenir ces étudiants. Mais qu'en est-il quand la haine si ardemment combattue devient le moteur de cette cause et de toutes les décisions ? Plus les meurtres continuent et plus ceux-ci semblent intolérables. Non pas que le meurtre en lui-même devienne un problème pour nos anges sauveurs, mais les cibles désignées correspondent de moins en moins à l'ordure au début de tout ceci pour progressivement s'en aller vers des personnes quelconques avec des opinions quelconques, voir parfois lucides et légitimes. Une scène qui a son importance dans le processus est ce moment où une fillette, persuadée que la distribution de préservatifs dans son école soit davantage une incitation qu'un véritable frein, devient la cible nos jeunes justiciers. Car en effet, à ce moment précis du film le « chef » de la bande ne vaut guère plus que le premier invité éliminé. Au point de devenir très exactement ce qu'il a juré de combattre, employant des méthodes encore plus radicales, devenant la représentation même de l'intolérance et l'incarnation de la haine.
L'Ultime Souper est un film appréciable pour toutes les personnes qui, à l'instar de votre serviteur, ne parviennent pas à scinder le monde en deux pour désigner le camp du bien et le camp du mal. A mon sens, le monde n'est heureusement pas aussi manichéen qu'on peut le croire, tandis que les choix qui découlent de la politique seront sans doute bien plus utiles après une émancipation de nos préjugés les uns envers les autres. Ce film-ci plaît pour son aspect nuancé, son objectivité, son appel à l'ouverture d'esprit et à la tolérance, pour sa mise en garde contre les extrêmes de tout poil surtout quand ils mutent en un monstre effroyable nourri jadis avec de bonnes intentions.
Si vous aviez rencontré Hitler dans les années 1930.
Est-ce que vous l'auriez tué, sachant ce qu'il allait devenir et faire ?
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Créée
le 13 août 2020
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