On retrouve, dans Let Him Go, l’âpreté des grands westerns dont le souffle brûle et glace à la fois et dont les étapes, qui participent de cette gradation dans l’épouvante et la violence, filent une même métaphore introduite en ouverture : la destruction que produit la perte d’un enfant, la douleur d’un deuil impossible parce que contre-nature – un parent n’a pas à enterrer son fils.


Aussi le récit de sauvetage du petit garçon prend-il l’aspect d’une croisade opposant deux milieux sociaux et culturels ainsi que deux rapports à l’existence : les Blackledge sont du côté de la rigueur et font preuve de valeurs humaines inestimables (compassion, courage, amour désintéressé) là où les Weboy forment une fratrie innombrable dont les membres tombent comme des mouches dans un environnement hostile. Nul hasard, par conséquent, si l’un d’entre eux a disparu gelé à moins de dix mètres de la porte d’entrée de la maison familiale : leur seuil est infranchissable et cruel, uniquement traversé pour perpétuer un nom et une gangrène à la manière de la boiterie de Gervaise qui, dans le grand cycle de Zola, évolue au fil des générations en dégénérescence physique et mentale.


Le réalisateur et son scénariste ont l’intelligence de ne jamais plaquer la violence des Weboy mais de l’insinuer petit à petit, depuis le baiser à la mariée fait lourdement jusqu’aux coups portés à l’enfant et à l’épouse pour une glace tombée sur le sol. Le repas de famille prend aussitôt des allures de séquestration sous tension à la The Texas Chain Saw Massacre, tout en rejouant la première rencontre entre belles-familles et ce qu’elle peut avoir de gênant ou de maladroit. Un choc des cultures et des caractères, en somme.


En dépit de flashbacks qui viennent alourdir la narration et la gonfler d’une grandiloquence doloriste malheureuse, malgré une partition musicale parfois envahissante et simpliste, Let Him Go constitue donc une excellente surprise, un grand western contemporain comme on n’en attendait plus, fort d’acteurs excellents, à commencer par Kevin Costner dont la prestation tout en retenue et en puissance intérieure fascine.

Fêtons_le_cinéma
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le 14 déc. 2020

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