L'une rêve d'émancipation, d'une vie de bohème ; l'autre est bien trop préoccupée par ses maternités et ses disettes pour des pensées oniriques. L'une vie dans une famille modeste qui lui offre une vie confortable ; l'autre tente de faire vivre sa petite famille. Deux femmes, donc. Deux conditions bien différentes, mais deux femmes tout de même, éminemment et naturellement politiques. Plus parce que, dans les années soixante, les temps sont désormais aux changements, que par artifice.
Le film de Varda s'inscrit donc dans un contexte, une époque que l'on connaît délavée par les années, sur des photos conservées par nos ancêtres dans de grosses boîtes. En restaurant sa pellicule, le film rend alors compte du vivant de cette réalité passée. Dès la première séquence, le bleu vif des murs, la chevelure fauve de l'impétueuse Pauline deviennent ainsi presque palpables. Cette époque mythique que l'on garde dans nos imaginaires passe alors pour vraie, comme si on pouvait enfin la voir à l'instar de ce qu'elle était.
Cette période historique, vécue par la cinéaste elle-même, Varda prend soin de la renseigner,
et sans se limiter à nos frontières . Le récit narre la construction sociale des femmes en passant
par la Hollande et le Proche Orient également.
Ces différents voyages révèlent aussi la richesse du scénario même. Les deux heures de film qui suivent les deux héroïnes nous transportent au travers de leurs rencontres et aventures sur plus d'une dizaine d'années, et ce, sans que l'on trouve des longueurs à reprocher.
Enfin, le film que réalisa Varda ne se restreint pas à un récit -et heureusement !-puisqu'on y décèle un véritable sens artistique. La poésie de certains dialogues sont mis en résonance au montage avec l'image. On retiendra notamment cette séquence au bord d'une rivière, où cette dernière est évoquée par la narratrice pour traduire l'écoulement de la vie. Concernant l'image, on notera des plans intéressants mais aussi un travail sur les costumes ainsi que des décors - ceux des spectacles de celle devenue Pomme- qui saura nous réjouir.

OrianeTognim
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le 25 juil. 2018

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Oriane Tognim

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