[Publiée le 3 Janvier 2024 sur Un Certain Cinéma]


Il est souvent répété que toutes les histoires ont déjà été racontés au sein du cinéma de fiction, mais cette affirmation légèrement précipitée ne semble pas si loin du cinéma documentaire tant le combat de David contre Goliath se prête parfaitement au sujet de L’Usine, le Bon, la Brute et le Truand.


Si, l’année dernière, Par le fenêtre ou par la porte de Jean-Pierre Bloc présentait avec un regard rétrospectif une oppression contemporaine sur la classe des travailleurs, le film de Marianne Lère Laffite s’inscrit quant à lui dans un flux présent et affiche des situations dans un principe épisodique, du moins d’actualités concrètes, plus précisément de journal de bord d’un combat, celui de trois anciens employés contre un propriétaire d’usine fermant un site, propulsant ainsi plus de 200 travailleurs chez eux et sans emploi.


L’épisode, c’est la fonction que se donne l’œuvre, témoin d’un cas précis de la question de la lutte des classes actuelle, une lutte qui n’est pas de l’ordre de sortir sa fourche évidemment, mais de devoir survivre quotidiennement et franchir chaque obstacle posé par la bureaucratie par exemple. Ce documentaire est en ce sens une œuvre très juste tant il parvient à retranscrire avec brio la cohésion, l’unité que forme, par des relations vite reconnues comme amicales, les trois protagonistes tout en témoignant des difficultés rencontrées, qui leur sont imposées même. Saute alors aux yeux un esprit de bande duquel la cinéaste elle-même n’est jamais exclue, bien que la présence de la caméra semble, logiquement, gêner le camp opposé, permettant de manière inventive à cette dernière de repenser sa forme et d’inscrire d’autant plus le film dans une question contemporaine par-delà le fond.


Si une partie du titre, citant explicitement Sergio Leone, fait référence aux trois acteurs de l’aventure présentée, il ne faut en aucun cas oublié la quatrième entité, l’usine, alors personnifiée, personnage à part entière de l’œuvre, sujet d’un éloge cinématographique et musicale, presque une divinité qui est le cœur du combat, la motivation, le trait d’union entre toutes ces travailleuses et tous ces travailleurs. La mise en musique est par ailleurs très pertinente, par-delà le fait qu’elle soit excellement exécutée, tant elle parvient à élever l’usine, le film, mais aussi la dimension du combat, simple épisode, petite victoire à première vue, d’une bataille, mais qui ne retire en rien la force et la détermination du trio.


Si la question de la solidarité au sein des travailleurs est présente, même défendue, il peut être regretté que l’aspect syndicaliste du film ne lui sert que trop peu pour justifier sa forte présence dans la seconde moitié de l’œuvre, la sensation que la cinéaste ne s’en retrouve que plus exclu se fait d’ailleurs quelque peu ressentir. Malgré ces passages légèrement plus encombrant et sa courte durée, L’Usine, le Bon, la Brute et le Truand demeure un documentaire témoin qui trouve un bon équilibre entre ambition artistique et nécessité de rendre compte du réel.

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le 19 août 2024

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Enzo

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