Il y a des films qui impressionnent par leur capacité à éviter tous les pièges qui se dressent devant eux. La 9ème vie de Louis Drax en fait partie. Le dernier essai d'Alexandre Aja marche sur une corde raide, cumulant les parti-pris casse gueule. A la fois extrêmement influencé (Hitchcock est souvent cité) et résolument original, cet essai sorti de nulle part traite des turpitudes de l'enfance, thème ultra-rabâché et souvent maltraité ou mal traité, le tout à l'aide d'une narration fragmentée. Dit comme ça, il y a de quoi s'inquiéter, mais le cinéaste expatrié fait preuve d'une adresse qu'il n'avait jamais daigné montrer jusqu'ici.


Là où Quelques minutes après minuit s'était planté en proposant une vision unilatérale et artificielle de l'enfance héritée de références populaires dénaturées, La 9ème vie de Louis Drax préfère décrire grâce au fantastique la mésentente qui règne souvent entre les enfants et leurs parents. Très drôle et remarquablement interprété, le Louis du titre symbolise à merveille cette jeunesse qu'on soupçonne souvent à tort de ne rien comprendre au monde et aux relations sociales. Au delà du twist, peu original mais très bien mis en scène, le scénario cherche surtout à démontrer que le personnage le plus perspicace reste un gosse cloué sur son lit d’hôpital. Détaché des préoccupations adultes (le désir, la peur du surnaturel, la colère aveugle), ce petit garçon est le seul à percevoir ce que les soi-disantes figures d'autorité renient complètement. Louis sait tout dès le début, et l'énigme consiste pour nous, adultes, à comprendre en quoi ce moutard irrévérencieux nous supplante.


Encore une fois, Aja se démarque de Bayona qui tentait de noyer le vide thématique de son oeuvre dans les flots lacrymaux les plus putassiers. Conscient de la solidité de son script ("c'est l'un des plus beaux scripts que j'ai lus depuis le début de ma carrière" de son propre aveu), le réalisateur habitué aux remakes horrifiques n’appuie sur aucune corde avec trop d'insistance et parvient presque miraculeusement à préserver l'équilibre émotionnel de son film en dépit de performances d'acteur parfois discutables (Jamie Dornan ne se débarrassera pas de son image de sitôt) et d'effets spéciaux perfectibles. Cette rigueur force le respect et nous évite un ennui qu'on pensait inévitable.


Quel dommage donc que le meilleur film de cet auteur soit peut-être le moins connu, la faute à une absence scandaleuse de sortie en salles qui fait suite au rachat de Miramax. Car La 9ème vie de Louis Drax surpasse aisément 80 % de la production fantastique du moment, et ce uniquement grâce à une certaine justesse dans l’exécution. C'est le genre d’œuvre qu'on aime découvrir grâce à SensCritique.

Jabo
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le 15 juin 2017

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