Si Assassination Nation était un nouveau biopic historique sur une femme forte, torché sans effort par un mec qui veut se donner bonne conscience, je vous aurais ressorti en introduction le rappel classique de l'impact de #MeToo à Hollywood, de la représentation des femmes dans la culture pop moderne, etc.... Mais c'est pas le cas. Parce qu'il s'agit en fait d'un pur film de genre qui, plutôt de surfer sur le problème, lui rentre dedans avec une verve et une énergie qui fait vraiment plaisir à voir.
Provocateur et outrancier dès ses premières secondes, le long-métrage s'empare pourtant directement des bastons à coups de hashtags qui font encore actuellement rage, puisque qu'il est question d'un hacker balançant des données personnelles plus que sensibles sur le net. Sauf qu'ici, le pirate en question est un beau produit de la société qu'il prétend attaquer. Avec une insolence politiquement incorrecte qui a apparemment posé pas mal de problèmes à Universal pour la distribution, Sam Levinson s'amuse à brouiller la frontière entre victime et agresseur dans la première partie afin de mieux exposer (et exploser) ces derniers dans la suite. Comme IRL (je m'adapte), la justice populaire informatique frise parfois la stupidité la plus profonde, ce qui serait hilarant si c'était pas aussi flippant, vu que le patriarcat hétéro-normé sûr de sa légitimité n'est jamais loin. Et forcément, c'est bien lui qui va mettre en vrac Salem, encore une fois.
Mais le génie de ce scénario, c'est de ne pas s'arrêter à cette vision assez pertinente des faux dissidents qui hantent le paradis de la liberté d'expression (a.k.a Twitter) et d'y balancer des protagonistes très très bien intégrés à la génération Instagram, des millenials de chez millenials, qui joueraient à Fortnite si les droits étaient disponibles. Des protagonistes qui échappent en fait au mépris avec lequel on les regarde souvent. Le personnage principal en particulier est extrêmement intelligent et a un discours absolument juste (l'obsession que la société moderne a du lien entre nudité et sexe se vérifie très vite). Plutôt que d'être les architectes de l'artificialité contemporaine qui persiste jusque dans la mise en scène, ils sont forcés de vivre en son sein, et choisissent d'en tirer parti, voire de la combattre. Avec leurs propres armes. La BO, ultra cool et branchée mais jamais matérialiste ou accessoire les définit donc parfaitement. Au fur et à mesure que les événements dégénèrent, ces quatre femmes habituées à être des boucs émissaires -quand ce n'est pas une honte inavouable pour Beth- vont représenter un féminisme aussi virulent que moderne.
Evidemment, Levinson en fait des tonnes, et vous aurez votre dose de meufs stylées qui marchent au ralenti avec des guns. L'obligatoire plan-séquence ne manque pas à l'appel (mais franchement, il est super efficace) et, pour reprendre un vocabulaire de circonstance, l'ensemble est un beau forcing pop des familles. Si cette esthétique est absolument pertinente (et franchement jouissive, faut pas se mentir), elle s'avère assez déceptive, aux vues d'un dernier acte un peu faiblard quand on te promet un bain de sang survolté pendant une heure vingt. La révolte Girl Power tant attendue a beau pas mal éclabousser, elle est encore trop gentillette pour faire franchement date, et ça c'est très frustrant.
Mais pas grave. Assassination Nation, c'est tout ce qu'on attend d'une série B populaire; qu'elle évite le référentiel bête (Alleluia, pas de référence aux 80's en vue) et profite de l'absence de cahier des charge pour dynamiter un peu un monde qui manque cruellement de ce genre de défouloir éclairé.