Cette courte critique a été écrite dans le cadre de l'UE7 "Atelier d'écriture" en Licence 3 études cinématographiques à Lille 3
*La ballade de Buster Scruggs* des frères Joel et Ethan Coen, est une œuvre destinée à un public à la bonne humeur bien accrochée. Ce film américain sorti fin 2018 est un plaisir pour les fans de westerns par sa composition en six segments, le genre est exploré au travers de ses différentes mouvances. Expérience de *No Country for Old Men* (2007) à l’influence de Sergio Leone aux plans larges qui durent, donc contemplatifs de l’Ouest épuré, ou *True Grit* (2010) qui revisite le genre en le mêlant au film à sketchs, tout aussi maîtrisé que le drame, en témoigne le très amusant *The Big Lebowski* (1998). Le western comme la filmographie des Coen, est représenté dans ces parties, qui seraient d’ailleurs dommage de regarder dans un autre ordre, elles se suivent « comme plusieurs musiques ensemble dans un juke-box », disent les frères Coen. Si on n’aime pas un de ces éléments, le film semblera creux.
La première histoire attire un large public avec de l’humour, du chant et de la joie, puis progressivement mène à la thématique voulu qu’est la mort. La dernière histoire, trop évidente pour certains, est justement celle qui fait comprendre cette thématique qui unie le film.
Le cocher tel Charon ne sort pas un mot, les passagers content leurs vies devant deux chasseurs de primes, comme à un auditoire ils sont jugés. Toutes les classes sociales, toutes les vies ont la même destinée. La nuit qui tombe comme le voile de la mort, une tête de bouc sur la porte l'hôtel qui est la maison du diable, un ensemble qui déboussole d’abord les passagers, mais qui au final acceptent leur destin. En troisième partie l’homme-tronc, magnifique conteur, est porté dans une calèche jusqu’à sa mort, jeté à la rivière tel le Styx, quand il devient peu rentable. L’art et l’attachement sont sacrifiés pour l’argent et la reconnaissance, tout comme des producteurs refusèrent ce film, mauvais choix.
La partie cinq, la plus longue, est sujette à débats. Parfois dite « la meilleure » ou au contraire « la plus inutilement longue » elle semble user de sa longueur pour être la meilleure. Elle installe de l’attachement pour à la fin toucher durement le spectateur,
quand la femme qui croyait son destin tout tracé trouve une mort soudaine, tout comme les récits dans leur courte durée vont droit vers leurs fins proches. Le chasseur d'or en quatrième histoire, le seul à ne pas mourir, est enfermé dans sa quête de richesse. Son passage est bref, la nature et sa vie s’arrêtent à son arrivée et reprennent à son départ, la même musique qu’il reprend début et fin signe la boucle dans laquelle il est enfermé. Il ne profitera jamais de ses richesses tant son envie est insatiable, son péché est aussi sa punition.
Le film tout comme la vie est une boucle où les histoires se répètent encore et encore, alors pourquoi s’en soucier ? Et pour les personnes mal à l’aise avec ce cinéma cru qui mélange des genres très différents, qui ne l’aime pas, on peut leur demander la même chose que le deuxième personnage
au moment de sa pendaison à un autre condamné :« Première Fois ? »