Franchement les projets de grands réalisateurs se suivent sur Netflix et ne se ressemblent pas. Je dirais même qu'il commence à y en avoir plus d'intéressants qui sortent sur la plate-forme que dans les cinémas chez moi...
Bref, Netflix s'est offert le dernier Coen, qui aurait pu être une série (et dieu merci ce n'est pas le cas). En réalité le format film convient très bien à ce film à sketch pour une raison cruciale : on ne sait pas quand va finir l'histoire. On ne sait jamais quand est-ce-que les Coen vont subitement couper pour passer à une autre.
Les Coen racontent donc six histoires, six contes qui se passent dans le far west, on retrouve leurs marques caractéristiques, chaque histoire par exemple se finit un peu en nœud de boudin et souvent d'une manière extrêmement cynique, mais montrant qu'il y a plus à savoir sur chaque histoire, chaque univers, qu'ils dépassent le simple cadre de ce qui est montré.
Mais surtout les Coen vont jouer sur un certain schéma de narration, la plupart des histoires, du moins les quatre premières, jouent sur la répétition et savent surprendre le spectateur avec ces schémas répétitifs en les faisant s'arrêter au moment où l'on s'y attend le moins. Je veux dire que dans le premier sketch on traite d'un cowboy, as de la gâchette qui ne se fait pas prendre au sérieux car il a l'air d'un pied tendre, dans chaque situation il débarque et bute tout le monde, le schéma est installé. Dans la seconde histoire on tente d'installer un schéma avec James Franco qui va se faire pendre plusieurs fois, dans la troisième un homme-tronc répète le même spectacle, dans la quatrième un type creuse pour trouver de l'or...
Et à chaque fois les frères Coen arrivent à couper leur histoire à un moment surprenant n'instaurant jamais en réalité un sentiment de déjà vu, toutes les histoires sont différentes et se finissent différemment.
C'est pour ça que c'est bien que ça soit un film, ça permet de les enchaîner, d'être conditionné par un certain schéma narratif par les précédentes et puis soudain être surpris parce que les Coen font totalement autre chose que ce qui était attendu.
Alors le problème récurrent des films à sketch c'est que tous les sketchs ne se valent pas et ici je dirais qu'il y a un ventre mou avec les troisièmes et quatrièmes sketchs. Pas que ça soit mauvais, mais disons que le rythme est plus lent, avec moins de personnages et peut-être que dans le troisième où Liam Neeson s'occupe d'un homme-tronc les fondus enchaînés sur ce type qui récite son spectacle ne sont pas des plus réussis. Reste que la fin est géniale.
Mon histoire préférée reste l'avant dernière, la plus longue, presque un film dans le film, vu qu'elle est plus longue on s'attache mieux aux personnages, que l'on connaît mieux, mais surtout la fin est la plus tragique, car c'est la seule qui aurait pu bien se finir. Mais comme toujours, les petites erreurs ont des grandes conséquences.
La dernière m'a également régalée, un huis clos dans une diligence, où on joue sur l'éclairage pour proposer des ambiances différentes, un crépuscule sympathique au début, avant de finir dans une nuit noire terrifiante. L'écriture est juste parfaite, le jeu d'acteur également, c'est juste sensationnel de réussir à faire quelque chose de cinq types enfermés en semble, pour encore une fois proposer quelque chose d'autre que ce qui était attendu.
En tous cas je n'ai pas vu les 2h10 passer, j'ai pris mon pied, parce qu'en fait les Coen revisitent tous les lieux communs du western : l'as de la gâchette, la pendaison, les spectacles ambulants, les chercheurs d'or, les caravanes qui traversent le pays, les diligences et à chaque fois en proposant un truc nouveau, drôle, touchant, inquiétant, malsain... Il y en a pour tous les goûts.
Un régal !
Et puis lorsqu'il y a des coups de feu ! notamment dans la première histoire, c'est foutrement jouissif, notamment la scène dans le saloon.
Bref, je ne suis pas contre six nouveaux contes pour l'année prochaine !