Ce devait être une série, ce sera donc un film. Les frères Coen étaient prêts, après la production de la série Fargo, à tenter de nouveau l’aventure télévisuelle en proposant une mini-série de six épisodes en mode anthologie du western. Sauf que celle-ci sera finalement exploitée en long métrage (avec un prix du scénario à la clé remporté à la Mostra de Venise) et que les frères Coen n’avaient pas spécialement l’intention d’en faire autre chose qu’un film divisé en six chapitres indépendants. Et qui dit film à sketchs dit film inégal parce qu’il y en a toujours un ou deux qui perturbent l’ensemble, qui viennent gâcher la fête.
C’est évidemment le cas ici avec les troisième et sixième récits, intéressants dans leur traitement (belle ambiance nocturne) et leur enseignement (on n’échappe ni à ses instincts ni à son destin, ce qui sera plus ou moins le mantra des six segments réunis), mais bizarrement sans relief dans leur conclusion, et presque trop sagement illustratifs. Dommage aussi que certaines histoires profitent d’un temps plus long que d’autres (comme la cinquième, mais c’est la plus belle et la plus touchante, alors ce n’est pas grave), quand ces autres méritaient justement un meilleur timing pour un meilleur développement.
La deuxième par exemple (celle avec James Franco en bandit loser), très drôle dans son cynisme nonchalant et sa poisse existentielle propres au cinéma des Coen, souffre d’un évident remontage qui en a expurgé toute la lente et terrible absurdité. Rien ne manque à l’imagerie traditionnelle du Grand Ouest (magnifiée par la photographie de Bruno Delbonnel) avec ce qu’il faut de saloons, de diligences, de pendaisons publiques, de duels au soleil, d’indiens sanguinaires et de chercheur d’or. Les frères Coen font de ces stéréotypes une sorte de terrain de jeu idéal (déjà expérimenté dans True grit) où viennent s’agréger les motifs immuables de leur cinéma (adversité, ironie joyeuse, humour décalé, violence sèche…) relevés à la sauce banjo et Far West.
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