Le film qu'il livre est moins bon que le livre qu'il filme...

Une fois sur deux, lorsque je finis un livre de Murakami Haruki, je me dis " c'est son meilleur. " Non content de ça, Norwegian Wood est sans doute son meilleur pour de vrai. Le livre est d'une richesse et d'une profondeur rare, aux multiples niveaux de lecture, alliant un soucis du détail constant ( Qu'y-a-t'il au dehors, qu'est-ce qu'ils mangent, comment sont-ils habillés... ) à une recherche psychologique des plus précises. Sa problématique : qu'est-ce que ça coûte que d'être un individu ?
Dans un monde dont la révolution est formatée, programmée, uniformisée, les cinq ou six personnages principaux sont dans une perpétuelle lutte pour se définir eux même face à la masse. Sur ce canevas se tisse une histoire d'amour meurtri et impossible, digne des grandes tragédies qu'étudie le narrateur en cours.



Quand j'apprends que Tran Anh Hung va assurer la mise-en-scène de l'adaptation, je me dis qu'il n'y a pas sur terre de meilleur choix possible. Associer son joli formalisme et sa solide direction d'acteurs au discours de Murakami c'est le Top-10 assuré ! Aussi me précipitai-je dans les salles obscures... Pour en ressortir dans une colère noire.



Trahison ! Il ne reste rien ! Les personnages secondaires sont grassement esquissés au fusain, il n'y a aucun développement de leurs back-stories et de leurs rapports au narrateur. On en vient à se demander pourquoi diable il leur adresse la parole. On ne sait jamais bien où ils sont, ni ce qu'ils mangent, ni même ce qu'ils portent ( ce qui est un comble pour le support qu'est le cinéma ) la poésie diaphane est remplacée par des scènes de sexe, mais surtout, il n'y a plus aucun propos ! Tran semble avoir décidé de n'adapter que 33% du bouquin, et de se concentrer sur la double histoire d'amour impossible. Je sais bien que le bouquin est long, mais sur le terrain, c'est comme si un type écrivait une adaptation de l'Empire Contre-Attaque et qu'un des paragraphes était le suivant :



"Luke arrive donc sur Dagobah, et fit la rencontre d'un petit être vert et rigolo qui répondait au nom de Yoda. Yoda était jadis un Grand-Maître Jedi et entreprit de former Luke le lendemain même. L'entrainement fut drastique, éprouvant, parfois effrayant, mais Luke dut l'interrompre car il savait ses amis en danger. Yoda en fut fort contrit."



Ensuite l'auteur se concentrerait pendant deux-cent pages sur Han et Leia.
 Ça ne ferait pas une bonne adaptation, mais ça n'est pas franchement inexact. L'essentiel y est non ?



Malgré ça, les 33% qu'il décide de conserver, Tran Anh Hung les fait à fond. Son formalisme est toujours joli ( il y a des plans extérieurs à tomber en pâmoison. ) et sa direction d'acteurs impeccable. Même Rinko Kikuchi, qui charge un peu quand elle pleure, se sort de ce rôle pas évident. Du coup, beaucoup de scènes du film sont très réussies, et je ne peux que le regretter parce que ça souligne les manques dans l'adaptation. Bienheureux sont celles et ceux qui n'ont pas lu le livre avant de voir le film, mais de grâce, achetez le livre plutôt que le DVD...


mikeopuvty
5
Écrit par

Créée

le 1 oct. 2011

Critique lue 364 fois

1 j'aime

Mike Öpuvty

Écrit par

Critique lue 364 fois

1

D'autres avis sur La Ballade de l'impossible

La Ballade de l'impossible
BenB
6

Un mariage malheureux

Tran Anh Hung, le réalisateur de ce film, a signé dans les années 90 trois longs métrages d'une beauté époustouflante. "A la verticale de l'été", le dernier en date, est selon moi le plus réussi. Un...

Par

le 16 mai 2011

9 j'aime

La Ballade de l'impossible
Dodeo
5

A nos étreintes éphémères.

Seulement une petite semaine après avoir lu le fameux livre de Murakami j’eu pour envie de voir son adaptation ciné. Je partais relativement convaincu par la bande annonce mais tout de même très...

le 7 févr. 2013

7 j'aime

La Ballade de l'impossible
Gand-Alf
8

Not another love story.

En adaptant un roman japonais, le vietnamien Tran Anh Hung met en scène son film le plus réussi, superbe histoire d'amour contrariée ancrée dans le contexte de la libération sexuelle de la fin des...

le 22 juin 2012

7 j'aime

7

Du même critique

Super Size Me
mikeopuvty
2

Démonstration par l'absurde.

Super Soy Me : Morgan Spurlock passe deux mois à ne manger que des nouilles sauce soja. Il prend quinze kilos, mais on lui enlève un rein, donc au total seulement 14k850g... King Size Me : Morgan...

le 26 oct. 2012

254 j'aime

87

Hercule
mikeopuvty
3

HAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAARGGHHHH !!!!

" SI VOUS VIVEZ A LA FIN DU COMBAT ALORS C'EST GAGNE !! AAAAAAAAAAAAAAAAAAHH !!! " " BUVEZ SOUS PEINE D'AVOIR SOIF !!!! HAAAAAAAAAAAAAAAAAAA !!!!!! " " QUAND NOUS AURONS GRAVI CES MARCHES NOUS SERONS...

le 27 août 2014

223 j'aime

29

Pourquoi j'ai pas mangé mon père
mikeopuvty
1

La Bouse de Jamel

On sait qu'une comédie est embarrassante quand les moments comiques provoquent des soupirs gênés, et les scènes de mystère ou épiques des éclats de rire... Pourquoi j'ai pas mangé mon père est de ces...

le 10 avr. 2015

207 j'aime

22