Ces mots cinglants sont d'Auguste Vaillant lorsqu'il monta sur l'échafaud, ce fut avec Ravachol l'auteur d'attentats anarchistes entre 1892 et 1894 qui ont semé le trouble à la fin de ce vieux siècle. Peu après, au début de la Belle Epoque, un certain Jules Bonnot, ancien chauffeur et mécanicien, reprit le flambeau en commettant des actes d'une rare violence, mais en ne pensant surtout qu'à rafler de l'argent (attaques de banques, détroussement de convoyeurs), au contraire de Vaillant et Ravachol qui eux balançaient des bombes dans les rues ou l'hémicycle du Sénat en revendiquant de vrais actes terroristes ; Bonnot prétendait défendre la cause ouvrière mais ne redistribuait pas le fric. De plus, il n'hésitait pas à tuer froidement ceux qui lui résistaient, et la bande utilisait une jeune invention qui était pour elle un outil très précieux : l'automobile qui leur servait à décamper des lieux de leurs forfaits, tandis que la police restait impuissante sur leurs vélos rudimentaires.
Ce film relate tous ces faits en prenant pas mal de libertés, mais au final, l'ensemble est assez rigoureux dans son développement et sa narration, en traduisant bien la progression sanglante et l'escalade meurtrière de Jules Bonnot et de ses complices. Le reconstitution historique est remarquable au niveau des costumes, décors et voitures de début de siècle, de même que la mort de Bonnot assiégé par la police dans une petite maison et enroulé dans un matelas pour se protéger, est conforme à ce que montrait ces dessins d'époque dans les journaux qui relataient ses sinistres exploits avec force détails macabres (tel qu'on le voit sur l'affiche du film). Le job des acteurs est excellent, Jacques Brel est parfait dans un rôle d'exalté, Raymond Callemin dit Raymond la Science, et surtout Bruno Cremer campe un Jules Bonnot froid, mécanique et impitoyable ; tous deux sont bien entourés par de bons seconds rôles comme Annie Girardot, Armand Mestral, François Dyrek ou Michel Vitold.
Le seul petit ennui, c'est que ces anarchistes violents sont dépeints comme des gars normaux, presque attachants alors qu'ils n'étaient que de sinistres assassins et détrousseurs qui tuaient de petits employés voulant jouer au héros, le réalisateur frôle de justesse l'entreprise de glorification, mais sinon, le tout est bien rendu, on sent que la société bourgeoise était visée et que la police avait beaucoup de mal à arrêter ces bandits par manque de moyens mécaniques. L'essentiel est que ce film très méconnu, se révèle un bon divertissement, édifiant et historiquement très correct, il mérite d'être découvert.