Hiver 44.Alors que les Alliés progressent rapidement en Europe du Nord,les allemands décident de déclencher une violente contre-attaque en envoyant une division de Panzer à travers les Ardennes belges,espérant enfoncer les lignes ennemies jusqu'à Anvers et prendre le contrôle du port.Les américains ayant la maîtrise du ciel,ils profitent d'une fenêtre météo de cinquante heures avec de la neige et du brouillard clouant l'aviation adverse au sol."La bataille des Ardennes" fait partie de cette série de films qui,dans la foulée du "Jour le plus long" sorti en 62,ont dans les années 60-70 relaté de hauts faits d'armes de la Deuxième Guerre Mondiale.Il y a eu notamment "La bataille d'Angleterre" et "Le pont de Remagen" en 69,"Tora!Tora!Tora!" en 70,"La bataille de Midway" en 76 ou "Un pont trop loin" en 77.C'est à chaque fois la même chose,défilé de stars,débauche de moyens,grand spectacle,pyrotechnie déchaînée et approximations historiques.L'oeuvre est en tous points conforme à ce cahier des charges et offre ce qu'on peut en attendre.Sous la houlette des producteurs-scénaristes Philip Yordan et Milton Sperling se déploie une démonstration technique impressionnante.Technicolor et Panavision,Ken Annakin,un des réalisateurs du "Jour le plus long",à la mise en scène,Jack Hildyard à la photo,Eugène Lourié à la direction artistique,Benjamin Frankel à la musique,il y a du niveau et ça se voit à l'écran.Annakin sait composer ses plans et trouve même à l'occasion des angles originaux tout en maîtrisant parfaitement une narration pourtant éclatée impliquant beaucoup de personnages et de lieux différents.L'image est d'une netteté impeccable,la musique martiale met bien dans l'ambiance et les décors sont à la fois réalistes et inventifs,de villes en ruines en casemates bordéliques,avec en point d'orgue l'incroyable bunker allemand digne d'un repaire du Spectre dans un James Bond avec ses maquettes,ses miniaturisations et ses gadgets.On n'a pas lésiné non plus sur la figuration et le matos et c'est une orgie d'uniformes,de blindés,d'armes et de véhicules divers.C'est d'ailleurs là que ça commence à tanguer car les spécialistes dénoncent pas mal d'inexactitudes concernant le matériel,ce qui ne serait pas grave si les arrangements ne s'étendaient pas aux faits.L'Histoire est sévèrement malmenée ici car,si cette offensive a réellement eu lieu,les choses se sont passées bien différemment.Protagonistes imaginaires,combats imaginaires,endroits imaginaires,tout a été décalé,modifié,falsifié afin de ne conserver qu'un cadre géographique et historique porteur,le but étant d'aboutir à un concentré d'aventures romancées héroïsant au maximum un échantillonnage de ces militaires américains qui sont,comme chacun sait,les plus malins et les plus courageux.Pour être juste,reconnaissons que les allemands sont équitablement traités et ne sont pas présentés uniquement comme des imbéciles sadiques et fanatiques.La sophistication de l'opération qu'ils mènent est même assez admirable et relève d'une intelligence et d'une détermination supérieures.Le bataillon de vedettes hollywoodiennes réquisitionnées pour l'occasion se montre à la hauteur,tous donnant de belles interprétations dans des styles divers.Côté ricain la pugnacité tranquille d'Henry Fonda fait merveille dans le rôle du colonel Kiley,cet officier de renseignement un peu trop rusé pour être vrai qui devine tout,sait tout et changera le sort de la guerre à lui tout seul.Robert Ryan a l'autorité nécessaire pour incarner le général Grey,militaire à l'ancienne pas futé mais d'une bravoure indomptable.Dana Andrews est le colonel Pritchard,un abruti qui déteste Kiley et s'oppose sans cesse à lui,ne voyant pas qu'il a raison sur toute la ligne.On a aussi George Montgomery en sergent bête de guerre qui protège son jeune lieutenant lâche et incapable mais qui deviendra in fine également un héros car ils sont comme ça les yankees,l'héroïsme sommeille en chacun d'eux.Charles Bronson est très bon en commandant baroudeur excité à l'idée de casser du boche et Telly Savalas savoureux en sergent magouilleur pour qui la guerre est l'occasion de s'enrichir,mais lui aussi se ressaisira au moment crucial.Côté fridolins la palme revient à Robert Shaw en colonel Hessler,une légende du tankisme allemand,dont l'allure majestueuse et la froideur psychorigide s'accommodent idéalement du jeu très cadré du comédien.Son vieil aide de camp qui en a marre du conflit et voudrait rentrer chez lui a les traits de l'excellent Hans Christian Blech tandis que le rondouillard Werner Peters livre un de ses numéros habituels en général madré.Ty Hardin est fantastique en teuton anglophone infiltré derrière les lignes alliées afin de saboter les communications et préserver les ponts.Petite dose de douceur au milieu de toute cette dureté machiste,une scène avec la jolie Pier Angeli,qui fut l'amour de James Dean.