La bataille du rail est un classique du cinéma français de résistance, et de la mémoire de la SNCF. Par son sujet, il a donc son importance. René Clément a fait le pari de faire jouer des cheminots, et le film ne compte pas de vedette. Le film insiste sur la dimension collective de la SNCF plutôt que de s'attacher à un destin. Il y a même une voix off au début, un peu emphatique, et le film a un aspect très didactique, égrenant le catalogue de toutes les formes de résistance qui ont pu avoir lieu à la SNCF. On le comprend dès le carton du début, qui montre que cette institution, reliant les deux zones, était centrale pour désorganiser l'occupation. Par son sujet, donc, c'est un film important. La préproduction a d'ailleurs été fort bien faite, avec des tanks allemands, et même un convoi blindé que l'on voit en action. Cela donne souvent l'impression de voir une reconstitution filmée. Le film est avare d'effets spéciaux, mais il y a tout de même une impressionnante scène de déraillement à la fin.
Là où le bât blesse, c'est du côté de la mise en scène, qui n'est pas inventive, notamment ces soldats allemands placés à tout bout de champ pour marquer la profondeur de champ. Les décors ne sont pas inspirés et le film, de manière générale, est simple et dépouillé. Côté montage, en dehors de quelques montages alternés sur la fin, c'est assez platement narratif et les inserts font très "inserts". Sans doute par souci de véracité, mais bon il faut voir ce qu'était capable de faire Rosselini à la même époque de l'autre côté des Alpes. La scène d'attaque du convoi armée relève du tir au pigeon, avec ces résistants qui ajustent leur tir calmement sous la mitraille ennemie. De manière générale, Clément a un peu de mal à faire vivre l'espace, à spatialiser son action.
Là où le film est frappant et chaleureux, c'est dans la manière dont il montre la SNCF comme une grande famille, entre les roulants et les équipes de gare. On ressent quelque chose de la chaleur qui est liée au métier de cheminot.
La bataille du rail est un film imparfait, difficile à faire apprécier au jeune public d'aujourd'hui, un film "à la papa", mais son sujet est noble et il est bon qu'il fasse partie de notre mémoire.
Synopsis : carton introductif : en 1940, les Allemands coupent la France en deux, mais il reste un trait d'union important, la SNCF. Celle-ci va devenir un instrument de la Résistance. Illustration : une draisine sort de gare en évitant un contrôle allemand, et dépose quelques km après la ligne de démarcation des résistants. D'autres sont cachés dans les citernes d'eau, dans les compartiments pour chien ; ils font exprès de retarder les TCO (convois commandés par les Allemands) en faisant des contrôles tatillons, voire sabotent complètement des trains. Des bombes explosent et les Allemands prennent des otages, qui sont exécutés. Les conducteurs font tous siffler leurs sirènes. Les marchandises sont aussi scrutées, et certaines disparaissent au profit de la résistance. Quand la nouvelle du débarquement paraît sur radio Londres, des déraillements/sabotages de voies sont organisés vers la Normandie. Ils font sauter une vieille loco pour encombrer la voie, puis sabotent le wagon-grue chargé de dégager la voie. Ils essaient enfin d'attaquer un convoi blindé allemand, mais toute l'équipe se fait massacrer, malgré l'utilisation d'un bazooka. Ils font dérailler un train militaire bourré de blindés. Coupent le courant aux trains électriques, ce qui pousse les Allemands à ne miser que sur les trains à vapeur, mais les cheminots vident leur chaudière. A la libération, c'est l'exultation.