La Belle et la Bête, c’est un mythe que le cinéma s’est approprié, et ce avec succès. Qu’on les aime ou pas, ses quelques adaptations ont le mérite d’être toutes différentes. Au-delà des variations esthétiques évidentes, la trame scénaristique peut se transformer totalement d’un film à l’autre, transfigurant alors les thématiques de cette histoire d’amour. Difficile par exemple de trouver une quelconque similitude entre la mélancolie tragique du chef-d’œuvre de Cocteau et la moraline naïve de la production Disney dont le sujet de cette critique est le remake.
Et oui, ce La Belle et la Bête version 2017 est un indécrottable remake. On prend les mêmes et on recommence. Certes, c’est assumé dans la promotion mais on ne s’attendait pas à un décalque aussi précis. Les chansons sont les mêmes, le scénario est le même, même la direction artistique ressemble trait pour trait à celle du dessin animé. Une telle fidélité interroge sur le concept même de remake. Refaire un film à l’identique est-il appréciable, même si ce film est considéré comme un classique ?
Étrangement, on peut faire un parallèle avec le remake de Psychose par Gus Van Sant. Cet essai ouvertement polémique avait l’audace -l’impudence pour beaucoup- de reconstituer le point Godwin de toutes études de cinéma plan par plan, en n’y ajoutant que de la couleur et en « améliorant » la mise en scène à l’aide des progrès techniques récents. Une hypothèse parmi d’autres pour expliquer ce parti-pris : Van Sant, conscient qu’il ne pourrait jamais renouveler une œuvre qui se suffit largement à elle-même, a préféré exposer l’absurdité d’une telle entreprise. Vu comme ça, ce Psychose est plus une théorie filmée qu’une contribution à la mythologie morbide crée par Hitchcock en 1960.
Le long-métrage qui nous intéresse ici parait tout aussi absurde. Mais pas question d’une remise en question, l’initiative est avant tout commerciale. Alors bien sûr, l’argument premier en faveur du passage à la moulinette remake est l’adaptation en live. Cependant, vu le nombre de CGI qui saturent l’image, la seule chose réelle, c’est l’air hébété d’Emma Watson. L’effort fourni par la tentaculaire firme aux grandes oreilles pour se débarrasser de son image de machine à discrimination mise en lumière par les mouvements féministes est louable, mais encore une fois très peu subtil. Quant à la « romance gay » qui hante les cauchemars des membres de Civitas, elle est réduite au rang de ressort comique maladroit et finalement pas très original. Heureusement que la première partie propose quelques chorégraphies assez inventives qui disparaîtront néanmoins progressivement.
Du coup, le spectateur amusé à la première scène chantée sombre très vite dans l’ennui, surtout qu’il va vite retrouver les tares du film d’animation : la belle et son ravisseur tombent amoureux le temps d’une chanson de 3 minutes, certains personnages (Gaston et le père en tête) sont absolument insupportables, le final est ridicule et tous les enjeux sentimentaux s’évaporent dès leur apparition au profit d’une morale pas si morale voire carrément douteuse (« Ne juge pas les apparences, un prince aryen méga beau-gosse se cache peut-être derrière la bête trop moche »).
Mais entendons-nous bien, vous avez le droit d’aimer l’original (personne n’est parfait). Le problème n’est pas là. Vous voulez voir La Belle et la Bête version Disney ? Revoyez le dessin animé. La bouille d’Emma Watson et le caméo de Ian McKellen ne valent pas deux heures de reconstitution bête et méchante.